Je voulais tout d'abord remercier les collègues qui ont soutenu cette proposition de loi. Je reconnais comme eux qu'elle peut avoir des imperfections et j'avais d'ailleurs déposé un amendement censé améliorer les choses au terme des auditions. Mais puisque le choix de la commission a été la suppression de tous les articles, on ne peut même pas améliorer le texte.
J'ai noté que si M. le secrétaire d'État a reconnu que la France avait de grands principes inscrits, dans le cadre de ses engagements internationaux, au cœur de nos conventions de coopération, il a ajouté que les contrôles n'étaient pas possibles et que les évaluations étaient compliquées – je vous en apporterai des preuves. Cela revient à dire en conclusion : « comme on ne peut pas aller vérifier, on continue comme avant. » Le Gouvernement critique la notion de liberté sans limites quand on débat du passe vaccinal, mais en l'occurrence, il s'agit bien d'une liberté sans limites pour les prélèvements d'organes, puisqu'on ne peut pas aller voir ce qui se passe.
Je souhaite vraiment répondre, pour une fois de manière politique, aux divers arguments qui m'ont été opposés. C'est un sujet grave et j'ai veillé à ne présenter dans l'exposé des motifs que des constats, fruits d'un travail de longue haleine. Pour Jean François Mbaye, qui m'a dit que je faisais de la politique avec ce texte, je redis que c'est la seule fois où je vais en faire. Les amendements de suppression qu'il a déposés m'amènent à rappeler quelques arguments objectifs.
Tout d'abord, qui fait de la politique sur un sujet aussi grave que celui dont nous sommes en train de parler ? C'est la Chine, par l'intermédiaire de son ambassadeur en France, Lu Shaye, qui a dit textuellement : « La partie française est en pleine conscience de l'absurdité et de la nocivité de cette résolution [sur le génocide des Ouïghours]. Il lui faut faire preuve de cohérence entre parole et acte [les paroles prononcées pourraient donc être différentes], et prendre des actions concrètes pour sauvegarder le développement sain des relations sino-françaises. » S'agissant des actions concrètes, c'est chose faite : Christophe Castaner a avoué que reconnaître le génocide perpétré contre les Ouïghours n'était pas dénoncer un État ni même le montrer du doigt ; le président de l'Assemblée nationale a retiré de l'ordre du jour ma proposition de résolution sur le risque sérieux de génocide, qui devait être discutée aujourd'hui dans le cadre de la niche du groupe Libertés et territoires, en faisant délibérément une confusion juridique entre objet et sujet, et il a reçu avant-hier – officiellement, bien sûr – l'ambassadeur Lu Shaye, qui reconnaît lui-même appartenir à la catégorie des ambassadeurs relevant de « la diplomatie du loup combattant » – il fallait bien faire ce geste supplémentaire ; le Président de la République avait justifié sa volonté de ne pas boycotter diplomatiquement les Jeux olympiques en expliquant qu'il s'agissait d'une mesure « toute petite et symbolique », puis a décidé, apprend-on, que la ministre déléguée aux sports sera tout de même présente sur place à un moment ou à un autre pendant les JO pour soutenir nos athlètes… On passe donc d'une toute petite mesure à une toute toute petite mesure – nous ne sommes même pas capables de faire comme le Danemark ou les Pays-Bas.
Derrière ces belles déclarations, la majorité a non seulement retoqué cette semaine un texte invitant fermement le gouvernement français à agir pour venir en aide aux Ouïghours, mais aussi supprimé tout bonnement la totalité des articles de cette proposition de loi. Gabriel Attal a pourtant déclaré le 30 janvier, dans Le Parisien, que devant la lourde ambiguïté du RN, de LR et de Zemmour vis-à-vis de la Russie, il fallait rappeler que notre pays ne pourrait dialoguer droit dans les yeux avec Poutine s'il s'aplatissait devant lui. Aujourd'hui, ce qui est flagrant, c'est bien la lourde ambiguïté de la France vis-à-vis de la Chine, et c'est nous qui nous aplatissons devant le régime chinois. La date d'aujourd'hui, monsieur Mbaye, sera mémorable : je pense que les propos que vous avez tenus resteront dans l'histoire avec un grand H.
Et s'il est bien un autre acte politique, c'est l'exposé sommaire de ces amendements de suppression qui engageaient jusqu'aux députés de votre groupe ayant cosigné ma proposition de loi – vous rendant compte de cette absurdité, vous avez retiré leurs noms.
Je vais maintenant arrêter de faire de la politique pour en revenir aux faits lors de la discussion des articles afin de démontrer que si, comme l'a dit M. le secrétaire d'État, nous ne pouvons absolument pas contrôler les faits, cela risque de rendre notre pays indirectement complice du pire au travers de conventions de coopération avec un État qui a institutionnalisé le prélèvement forcé d'organes.