Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du vendredi 4 février 2022 à 15h00
Respect éthique du don d'organes — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas, rapporteure de la commission des affaires sociales :

J'avais déposé, à l'article 1er , un amendement de rédaction globale visant à préciser et simplifier les dispositions de la proposition de loi. Il s'accompagnait d'une série d'amendements de suppression des articles. Dans la mesure où l'article 1er a été supprimé, il va de soi que je retire ces amendements de suppression.

M. Hammouche a fait référence à une question écrite qu'il a posée. Jean Lassalle, membre du groupe Libertés et territoires, l'a fait également : on lui a répondu que la République populaire de Chine avait bien fait une réforme, ce pays ayant interdit en 2015 le prélèvement d'organes sur des prisonniers exécutés, et que « l'enjeu pour la Chine demeure à présent la pleine mise en œuvre de la loi ». Voilà la position du ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian : il reconnaît que la loi n'est pas appliquée.

Par ailleurs, vous soutenez que ma proposition de loi est inopérante, mais ce n'est pas le cas : ce sont les engagements internationaux dont vous vous réclamez qui le sont, tout comme la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, sur laquelle je souhaite aussi revenir.

S'agissant d'abord des engagements internationaux, la République populaire de Chine ne reconnaît pas le Statut de Rome et donc la Cour pénale internationale. De plus, si la Chine a ratifié la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, elle ne reconnaît pas non plus la compétence de la Cour internationale de justice – ce qui nous a posé problème lors de l'examen de la proposition de résolution relative à la condamnation des crimes perpétrés contre les Ouïghours. À cet égard, nous savons que la Chine peut compter sur de nombreux soutiens au sein du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations unies.

En ce qui concerne la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, la France fait effectivement partie des vingt-six pays signataires, mais pas des treize États l'ayant ratifiée – l'Espagne ayant même modifié son droit interne pour cela. J'ajoute que seuls quatre pays ont émis des réserves vis-à-vis de cette convention. C'est le cas de la Russie, qui souhaite la rendre plus contraignante, mais surtout de la France, pays le plus critique.

La Convention prévoit que chaque partie prend les mesures nécessaires pour que l'engagement des poursuites ne soit pas soumis à conditions. Or pour éviter une incompatibilité avec notre droit pénal, qui interdit la double incrimination, la France a déclaré qu'elle n'exercerait sa compétence qu'à condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis et que ceux-ci aient donné lieu soit à une plainte de la victime ou de ses ayants droit, soit à une dénonciation officielle de la part des autorités du pays en question.

Vous imaginez bien qu'il ne sera pas possible de déposer une plainte dans un pays comme la Chine et donc que la réserve émise par la France rend son engagement complètement inopérant – contrairement à ce que vous soutenez. Nous aurions pourtant pu, à l'instar de l'Espagne, modifier notre droit interne avant de signer la Convention.

Quant à la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, elle a été complétée de quatre protocoles additionnels, relatifs au clonage d'êtres humains, à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine, aux tests génétiques à des fins médicales et à la recherche biomédicale. La France a signé les trois premiers protocoles, mais sans les ratifier, et n'a même pas signé le quatrième, ce qui confirme que les engagements internationaux de notre pays ne sont en rien opérants. Vous ne pouvez donc opposer l'inefficacité prétendue de ma proposition de loi à des engagements internationaux qui ne le sont pas davantage.

De plus, vous ne cessez de dire que nous demandons aux pays avec lesquels nous signons des conventions bilatérales de respecter les principes éthiques internationaux. Mais, en réalité, l'écrire vous suffit, étant donné que vous reconnaissez qu'on ne peut le vérifier et qu'être plus exigeants nous empêcherait de conclure des conventions. Rendez-vous compte du manque de cohérence de votre démarche ! C'est comme si nous passions un contrat, qu'il n'était pas respecté par l'autre partie, mais que nous ne le résiliions pas pour autant, car nous ne pouvons le vérifier formellement. Ainsi, je le répète, la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle dont vous vous réclamez n'est absolument pas opérante.

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