Un chiffre est plus éloquent qu'un long discours : chaque jour, l'équivalent de 500 conteneurs de plastique est rejeté dans la mer Méditerranée. Cinq cents ! Ces déchets se fragmentent, se répandent, s'accumulent. Souvenons-nous des images des continents de plastique qui sillonnent nos océans. Ils absorbent des polluants d'origine terrestre ; servent de support à des espèces invasives.
Dans certaines zones, l'eau de mer contient plus de plastiques que de zooplanctons – ceux-ci sont pourtant à la base de la chaîne alimentaire. Cette densité atteint son maximum au large de la Corse, près de l'Italie et des Baléares. Nous, insulaires et habitants du pourtour méditerranéen, ne pouvons nous résoudre à la mort, à petit feu, de notre mer, le mare nostrum.
Les conséquences sur la biodiversité marine sont dramatiques. Poissons, tortues, crabes ou oiseaux ingèrent ces plastiques, provoquant étouffement, insuffisances hépatiques et malnutrition. D'autres formes de pollution sont plus insidieuses, mais plus dangereuses, à long terme. Je pense à celle, invisible, des microplastiques. Au bout du compte, les déchets plastiques sont partout dans notre environnement et jusque dans notre corps, avec des conséquences critiques sur la santé. Des particules ont été découvertes dans le système digestif de 114 espèces de mammifères, dont la moitié est consommée par les humains. En fait, chaque jour, nous ingérons du plastique. Pire, selon des recherches récentes, nous inhalons des microplastiques présents dans l'air ; nous en absorbons avec l'eau que nous buvons.
J'ajoute au tableau que les polymères participent au réchauffement de notre planète. Selon l'ONU, en 2040, les émissions de gaz à effet de serre découlant de notre dépendance aux plastiques pourraient représenter 19 % des émissions totales autorisées par l'accord de Paris.
Ce panorama est alarmant. Je ne veux pas, pour autant, être pessimiste ni défaitiste. Des solutions existent pour réduire l'impact des pollutions plastiques. Certaines sont appliquées ; hélas, elles ne le sont que partiellement. Selon le dernier rapport de l'UICN, une meilleure gestion des déchets pourrait réduire de 50 000 tonnes par an le rejet de plastiques dans la Méditerranée. Par ailleurs, l'interdiction de certains produits – je pense notamment aux sacs en plastique – permettrait d'éviter le rejet de 50 000 autres tonnes de déchets.
Des efforts ont été fournis ces dernières années – les orateurs de la majorité parleront sans doute des lois « climat et résilience » et « antigaspillage et économie circulaire ». Il reste que ces mesures paraissent insuffisantes pour mettre fin à une pollution qui continuera de s'aggraver au cours des prochaines années. Si les solutions disponibles étaient intégralement déployées, ce qui n'est pas le cas, il resterait 130 000 tonnes de déchets plastiques à traiter chaque année pour la seule mer Méditerranée.
D'aucuns diront que nous faisons déjà beaucoup ; que les autres pays doivent également faire des efforts. Je pense que nous devons montrer l'exemple et accélérer. C'est ce que propose ce texte, défendu par notre collègue François-Michel Lambert. Il est novateur en ce qu'il fixe une nouvelle ambition : celle de la transformation de nos modes de production pour réduire notre dépendance aux polymères.
D'autres voient dans l'interdiction du plastique issu du pétrole à l'horizon 2030 une utopie irréalisable et non souhaitable. Rappelons-leur que des dérogations resteraient possibles pour certains produits essentiels et que des solutions alternatives à l'usage de ces plastiques existent.
J'entends aussi ceux qui redoutent qu'une telle mesure favorise, par élimination, les plastiques biosourcés, dont l'impact sur l'environnement est aussi problématique. Je reconnais bien volontiers la nécessité de mieux encadrer les règles de leur production dans de futurs textes législatifs afin d'éviter les effets de bord tel que l'accaparement des terres.
Mais en adoptant ce texte, nous enverrions un signal fort.