Intervention de Danielle Brulebois

Séance en hémicycle du vendredi 4 février 2022 à 15h00
Lutte contre la pollution plastique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Brulebois :

Nous partageons tous l'objectif de lutte contre la pollution plastique poursuivi par la proposition de loi et nous saluons votre travail, monsieur le rapporteur. Mais les solutions que celle-ci propose ne sont pas les bonnes ; elle ne permettra pas de doter la France d'outils réellement efficaces.

En entendant favoriser une stratégie nationale « zéro plastique pétrole », ce texte s'avère être la porte ouverte aux bioplastiques, qui n'ont pas grand-chose de bio : ils peuvent être constitués de résines plastiques jusqu'à 75 % et contiennent de nombreux additifs. De plus, ils nécessitent l'occupation de terres agricoles vivrières, une importante consommation d'eau et d'énergie, et ne sont pas recyclables puisqu'il n'existe aucune filière de traitement spécifique. Abandonnés dans la nature, ils posent les mêmes problèmes que les plastiques conventionnels.

Ce texte va à l'encontre de la directive européenne concernant l'incidence des plastiques sur l'environnement qui, elle, ne fait pas la différence entre les plastiques à base de pétrole et les plastiques biosourcés. La directive sur les emballages – lesquels représentent 45 % de la production plastique – précise que les États membres ne peuvent interdire la mise sur le marché de plastiques si ces derniers sont conformes aux dispositions énoncées ; de sorte que la proposition de loi contrevient au droit européen. Or la France ne peut agir seule, elle doit s'inscrire dans le contexte européen.

Interdire les plastiques traditionnels reviendrait à priver la France de matériaux essentiels, à pénaliser son économie et son industrie. Alors que les entreprises de la plasturgie innovent et investissent depuis des décennies pour améliorer leurs performances écologiques et environnementales, et économiser la ressource en faisant en sorte que la matière première trouve une valorisation en fin de vie, la proposition de loi mettrait à mal toutes les initiatives vertueuses engagées par la filière. Les interdictions ne sont pas une solution, surtout quand elles ne s'appuient pas en amont sur des études d'impact approfondies.

Dans un pays comme la France, qui dispose d'un système de collecte et de gestion des déchets, la pollution plastique est essentiellement due à l'abandon sauvage, par accident ou par négligence, de déchets dans l'environnement. La seule solution alternative est de récupérer, réduire et recycler tous nos déchets plastiques. C'est ce que nous avons visé avec la loi AGEC, dans le but de changer nos modèles de production et de consommation et de doter la France d'une stratégie nationale de réduction, réemploi et recyclage, dite 3R. La loi AGEC fixe un cap zéro plastique à usage unique, avec des étapes progressives d'ici à 2040 ; elle prévoit 100 % de recyclage des plastiques en 2025. Non seulement nous fixons une trajectoire ambitieuse mais, en même temps, nous donnons aux acteurs les moyens de la transformation.

En 2021, la loi « climat et résilience » est venue renforcer cette ambition, avec le développement de la vente en vrac et le quatrième plan d'investissement d'avenir, le PIA 4, qui accélère les stratégies du recyclage et encourage la recherche de nouvelles technologies pour la réincorporation des matériaux. Nous avons également adopté le plan zéro plastique rejeté en mer d'ici à 2025, pour préserver les écosystèmes marins et littoraux.

N'oublions pas que les industries des polymères sont essentielles à la vie moderne ; elles ont contribué à d'immenses progrès dans notre vie quotidienne. Les polymères sont des alliés indispensables en santé pour sauver les vies ; nous avons pu mesurer leurs bienfaits pour freiner la propagation du virus lors de la pandémie. La stratégie de lutte contre la pollution plastique se fonde sur les usages plus que sur la nature des produits, comme le recommande l'OPECST.

Nous vous le redisons : nous sommes tous conscients des dommages causés aux océans. Il s'agit d'un problème mondial, et les gouvernements doivent travailler ensemble. Plus que des injonctions, nous avons besoin d'un changement culturel ; l'éducation est au cœur de ce changement. C'est dans ce contexte que nous devons poursuivre la trajectoire fixée par la majorité dans le cadre de la loi AGEC. Ses objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage du plastique apparaissent comme la meilleure solution pour lutter efficacement contre la pollution plastique, avec les décrets.

Nous avons doté notre pays d'outils ambitieux, qui ont fait l'objet de concertations et qui ont suscité une forte adhésion. Cette proposition de loi les met en péril ; c'est pourquoi la commission du développement durable l'a rejetée en bloc. Le groupe La République en marche vous invite à ne pas l'adopter.

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