Intervention de Jennifer De Temmerman

Séance en hémicycle du vendredi 4 février 2022 à 15h00
Lutte contre la pollution plastique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJennifer De Temmerman :

Il neige du plastique sur les Alpes et les Pyrénées. Voilà ce que nous a révélé une étude menée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; voilà où a conduit notre dépendance aux polymères.

Je ne m'attarderai pas sur ce constat. D'autres avant moi ont dressé le bilan et les conséquences inquiétantes de l'omniprésence de cette matière dans notre environnement, jusque dans nos corps. En revanche, les carences des politiques menées jusqu'à présent pour lutter contre ce phénomène retiennent mon attention. L'ONU l'a rappelé : d'ici à 2040, en l'état actuel des engagements gouvernementaux, la quantité de plastique rejetée dans les océans devrait tripler et celle qui y est présente, quadrupler. Certes, la France ne porte pas seule cette responsabilité, mais elle y prend sa part et les mesures prises ces cinq dernières années manquent d'ambition.

Il est vrai que plusieurs propositions de bon sens ont été formulées – du reste, mon collègue François-Michel Lambert est à l'origine de certaines d'entre elles –, au premier rang desquelles l'interdiction de certains plastiques à usage unique. À l'époque, des réticences s'exprimaient. Pour certains, la fin des gobelets, verres, assiettes jetables, pailles en plastique ou piques à steak était une mesure irréalisable, voire dogmatique. Pourtant, dans ma circonscription, depuis 2018, l'entreprise Mon gobelet en lin prouve le contraire. Ces mesures sont désormais acceptées, voire plébiscitées sur tous les rangs de l'Assemblée nationale.

Il y a également eu des occasions manquées. En premier lieu, dès le début, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à une économie circulaire souffrait d'un manque d'ambition. Aujourd'hui, sa portée est réduite par les décrets d'application, lorsqu'ils sont publiés. Cinq filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) devaient être instaurées au 1er janvier pour soulager le service public de gestion des déchets. Or une seule a été créée. Les fonds dédiés à la réparation qui devaient être instaurés au 1er janvier ne verront finalement le jour qu'au mois de juin prochain et ne prendront en charge que 10 % des coûts de réparation, contre 20 % prévus initialement. Et que dire de la stratégie dite des 3R ? Elle se limitera finalement à des orientations non contraignantes, qui ne seront pas assorties de sanctions si les objectifs ne sont pas atteints. Autant de reculs et autant de déceptions.

D'ailleurs, certaines organisations non gouvernementales (ONG), échaudées par ce bilan, nous ont fait part de leur volonté d'être mieux associées à l'avenir à l'application des textes et à leur suivi, et, plus généralement, à l'élaboration des politiques publiques sur la question du plastique. D'autres structures considèrent que la recherche sur les polymères devrait être approfondie. Les études d'impact sur les alternatives au plastique pétrosourcé sont aujourd'hui lacunaires. La question des additifs mériterait aussi d'être creusée. Ces derniers ne cessent de se multiplier dans la composition des plastiques, ce qui, non seulement nuit au caractère recyclable de la matière, mais aussi porte préjudice à la biodiversité lorsqu'ils sont rejetés dans la nature.

Vous l'aurez compris, tous les acteurs que nous avons rencontrés – excepté, peut-être, le lobby du plastique et, paradoxalement, les services du ministère de la transition écologique –, nous ont indiqué leur volonté de disposer d'une structure afin d'échanger sur les enjeux et les impacts du plastique. En effet, à ce jour, il n'existe aucune entité chargée de ces questions. L'ADEME, la direction générale de la prévention des risques ou encore les collectivités locales fonctionnent en silo. Elles n'ont pas de vision d'ensemble de la filière industrielle et des différents usages du plastique, de son cycle de vie et des enjeux liés au recyclage.

Nous ne pourrons pas réduire notre dépendance au plastique sans réunir autour de la table l'ensemble des acteurs concernés. Telle sera la vocation de l'Agence nationale du plastique, qui viendra pallier le manque d'expertise annuel sur le sujet dans les administrations publiques. En outre, elle garantira la bonne application de la stratégie nationale « zéro plastique pétrole » et du calendrier d'interdiction progressive des polymères fabriqués à partir du pétrole.

La pollution plastique devient un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens. Par manque d'ambition et de volonté politique, nous avons déjà perdu beaucoup trop de temps. Ne ratons pas le coche et profitons de l'élan actuel pour revoir nos modes de production et mettre fin au tout plastique. Vous avez tendance à vous cacher derrière l'Europe ; je vous réponds qu'impossible n'est pas français.

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