Madame la secrétaire d'État, vous avez salué l'instauration de plusieurs interdictions mais, même si je suis à l'origine de plusieurs d'entre elles, je pense que le problème est ailleurs. Vous dites encore que le recyclage serait une solution, mais nous ne pouvons nous contenter de le croire tant le plastique prolifère. Il est temps de stopper sa production pour enrayer sa croissance toujours plus forte – elle atteint aujourd'hui plus de 5 % par an.
S'agissant des produits biosourcés, peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair dans mon intervention liminaire. Il ne s'agit nullement de les substituer aux produits pétrosourcés, et ce pour deux raisons principales.
Tout d'abord, les volumes en jeu sont colossaux. Tous les professionnels s'accordent pour dire qu'en 2030, le biosourcé ne pourrait au mieux répondre qu'à une faible proportion – 10 % à 15 % – des besoins actuellement couverts par le plastique. Dès lors, pour combler les 90 % à 85 % restants, il faudra réduire le recours au plastique et utiliser du recyclé, ce qui induit une dynamique positive autour de ces matières. Il ne faut évidemment pas voir cette proposition de loi comme un cheval de Troie du biosourcé.
Ensuite, le biosourcé devra faire l'objet de contraintes, et je vous invite, chers collègues, à vous projeter en pensant à celles que notre assemblée pourrait imposer, quels que soient ses usages – le plastique, le carburant et d'autres encore –, car il est clair que nous aurons à traiter de ce problème au cours des prochaines législatures.
Les solutions sont à chercher ailleurs. Au moment où nous avons voté l'interdiction des véhicules thermiques en 2040, madame la secrétaire d'État, moins de 1 % des véhicules vendus étaient électriques. Aujourd'hui, ce n'est plus 2040 que l'on vise, mais 2030 pour la France et 2035 à l'échelle de l'Europe, preuve que l'on peut compter sur des bouleversements des modèles économiques et surtout techniques dans l'industrie. Rappelons ici que le principal résultat de cette interdiction a été une baisse du nombre de véhicules neufs. En instaurant des contraintes sur la production de certains biens ou produits qui ne sont plus acceptables d'un point de vue environnemental, on remet au centre les vrais usages en s'éloignant de la logique du gaspillage.
Venons-en aux états généraux de l'emballage, que nombre d'entre vous ont évoqués. Je remercie Aurélien Taché d'avoir souligné que les citoyens ne sauraient être exclus de ces échanges. Le débat doit être public parce qu'il porte sur notre société, profondément bouleversée par l'essor du commerce électronique et les nouvelles pratiques qu'il engendre, comme la livraison de repas à domicile ou les courses en dix minutes, autant de services promus par certaines plateformes. Sur ces sujets, il n'y a pas encore eu de discussions. Voilà pourquoi il est indispensable de les organiser en intégrant les citoyens dans le cadre d'un débat public.
Madame la secrétaire d'État, j'aimerais rappeler que, lors de leur audition, les représentants de l'ADEME nous ont indiqué que 2,5 équivalents temps plein (ETP) étaient mobilisés pour traiter les problèmes soulevés par l'usage du plastique. Le plastique n'est qu'une priorité parmi d'autres pour l'ADEME : si nous voulons que les choses avancent, nous devons créer une structure spécifique, l'Agence nationale du plastique. Nous le voyons bien avec la dynamique de la biodiversité, que vous défendez si bien. En déplacement hier dans le Gers, formidable département, vous avez réaffirmé votre soutien au projet de parc naturel régional de l'Astarac. Et si ces avancées en matière de parcs naturels nationaux et régionaux ont été rendues possibles, c'est grâce à la création de l'Office français de la biodiversité (OFB) ; nous n'en serions pas là si nous nous étions contentés des structures existantes.
S'agissant des fibres synthétiques textiles, j'aimerais donner quelques chiffres car je n'ai pas pu le faire tout à l'heure. Leur production accapare 1,35 % de la consommation de pétrole mondiale, soit plus que la consommation de pétrole dans toute l'Espagne, tous usages confondus. Le lavage des vêtements entraîne, quant à lui, le rejet de 500 000 tonnes par an de microfibres plastiques, notamment dans les océans et dans les récifs coralliens – et je remercie Philippe Gomès et Maina Sage pour leurs précisions, eux qui connaissent si bien la pollution marine du fait des spécificités de leurs territoires. Rendez-vous compte, 500 000 tonnes, c'est l'équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique, six fois le volume de celles que nous utilisons en France ! Nous avons pris des dispositions, que j'ai soutenues, dans de précédentes lois, mais nous n'agissons pas vraiment pour lutter contre ce phénomène. Nous ne pouvons laisser la situation se dégrader ainsi.
Monsieur Colombani, je vous remercie d'avoir rappelé les conséquences de la pollution plastique des océans pour les vivants. Vous qui êtes élu d'un territoire lui aussi entouré par la mer, vous savez quelle réalité elle recouvre. Vous êtes médecin, cher collègue, et vous serez sans doute sensible au fait que les bébés ont deux fois plus de plastique dans leurs selles qu'un adulte. On trouve même des nanoparticules dans l'organisme des nouveau-nés encore rattachés à leurs mères. Mais dans quelle société vivons-nous ! Oui, nous devons aller plus haut, plus loin, plus fort.