Monsieur le président de l'Assemblée nationale, Herr Bundestagspräsident, mes chers collègues allemands et français, liebe deutsche und französiche Kolleginnen und Kollegen, ce cinquante-cinquième anniversaire du traité de l'Élysée invite celles et ceux qui se sentent les enfants de l'amitié franco-allemande à prendre conscience de la richesse de ce passé et à prendre nos responsabilités pour l'avenir.
Je fais partie de ces enfants de l'amitié franco-allemande, de ceux qui ont eu la chance de séjourner en Allemagne – pour ma part, dès l'âge de treize ans, à Brème – et d'y retourner chaque année pendant mes études, à Munich, Bamberg, Düsseldorf, Berlin, Hambourg, Eichstätt… Je suis de ceux qui ont eu la chance de vivre une amitié concrète avec le peuple allemand, une amitié certes permise par le traité de l'Élysée mais qui est allée bien au-delà du cadre institutionnel du traité.
Parce que vous, députés allemands, êtes nos amis, je veux vous parler ici avec la franchise de l'amitié. Mon groupe, le groupe socialiste présidé par Olivier Faure ici présent, votera ce projet de résolution ; nous le voterons au nom de notre amitié.
Nous le voterons parce qu'il s'agit, pour la première fois, d'une initiative prise par nos parlements, le Bundestag et l'Assemblée nationale. Pour nous, Français, qui vivons dans le régime de la Ve République, où l'exécutif décide quasiment de tout, c'est très important. Nous le voterons aussi, car, pour la première fois, une résolution émanant de nos pays consacre le développement des eurodistricts, c'est-à-dire la possibilité laissée à nos territoires transfrontaliers de prendre des initiatives. Nous le voterons enfin pour le rôle que ce texte donne à nos deux assemblées dans l'écriture du traité de demain.
Mais nous pensons que réécrire un nouveau traité de l'Élysée suppose d'abord de se mettre à la hauteur des risques pris par de Gaulle et Konrad Adenauer, par Helmut Schmidt et Valéry Giscard d'Estaing, par Georges Pompidou et Willy Brandt – qui ont créé les trois premiers lycées franco-allemands – , par François Mitterrand et Helmut Kohl.
C'est pour cela que nous aurions aimé lire dans le projet de résolution un engagement clair sur l'investissement. Si nous ne faisons rien dans ce domaine, alors nous condamnons notre futur commun : nous serons deux vieilles nations qui regarderont le futur se construire ailleurs. Pour en discuter très souvent avec mes amis et collègues du sozialdemokratische Partei Deutschlands, le SPD, je sais que cette question est difficile entre nous à cause de la dette publique importante de la France.
En tout cas, sur l'investissement, je le redis, la résolution est trop timide. Son point 25 évoque, certes, la création d'un fonds d'investissement commun, public et privé, pour soutenir les projets innovants, mais ce n'est pas assez. C'est même en deçà des engagements pris en 2013 à l'occasion du cinquantième anniversaire du traité de l'Élysée, qui promettait des investissements dans la filière spatiale, l'agriculture ou encore la rénovation énergétique.
Aussi formulons-nous le souhait qu'il y ait un engagement fort et chiffré d'investissement sur la transition énergétique, l'agriculture, le numérique et les transports.
La deuxième exigence que nous aurions aimé voir figurer dans cette résolution, c'est un engagement clair sur notre vision de l'Europe. Le traité de l'Élysée vaut pour nous-mêmes et notre amitié, mais aussi comme pilier de l'Europe. Nous l'avons entendu ce matin au Bundestag : c'est cette vision-là qui est attaquée par les extrémistes, et c'est donc elle que nous avons le devoir et l'ambition de défendre.
Pour conclure, permettez-moi de citer ces mots du chancelier allemand Willy Brandt : « Es wächst zusammen, was zusammen gehört », ce qui signifie que grandissent ensemble ceux qui se mettent ensemble. Nous voulons construire et progresser : c'est pour cela qu'il faut construire un parcours commun. Que vive l'amitié franco-allemande ! Que vive l'Europe ! Es lebe die deutsch-französische Freundschaft ! Es lebe Europa ! Je vous remercie. Ich bedanke mich bei Ihnen.