Intervention de Christophe Arend

Séance en hémicycle du lundi 22 janvier 2018 à 17h00
Nouveau traité de l'Élysée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Arend :

Il y a cinquante-cinq ans, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle signaient le traité de l'Élysée, point d'orgue des relations franco-allemandes, pierre angulaire de la construction européenne, qui a permis de nombreux progrès entre nos États voisins. Aujourd'hui – sur ce point, je partage le diagnostic de M. Coquerel – , cette édification marque le pas. Dans ses frontières, l'Europe voit la montée des extrêmes, le repli sur soi, la hausse des nationalismes, le Brexit – autant de preuves d'une incompréhension de l'Europe par ses populations. Elles voient dans l'Europe une machine technocratique aux contours flous. On parle d'Europe, de rapprochement, de libre-échange, mais pour beaucoup, la situation se dégrade : chômage, terrorisme, réchauffement climatique, sentiment d'abandon. À l'international, la situation en Crimée, la crise des réfugiés, Daech ont été davantage gérés de façon à limiter les dommages qu'à développer de grands projets fédérateurs. L'union contre ne dure qu'un temps. Elle ne doit en aucun cas être envisagée comme une solution durable. La raison doit nous conduire à nous fédérer autour d'un projet commun et d'une conception commune qui répondent aux attentes et aux aspirations de nos concitoyennes et concitoyens.

Mais nous ne sommes pas d'accord sur le traitement à appliquer. Il manquait à l'Europe la substance même qui fait respirer et vivre l'amitié : l'adhésion, l'acceptation et l'intégration de cette idée par les citoyens. Ce sont eux qui portent les projets, c'est à leur niveau, dans leur famille, dans leur quartier, dans leur ville qu'ils donnent vie à ce que l'on appelle l'amitié franco-allemande, le véritable creuset de l'Europe.

Notre réponse est radicalement différente de celle du groupe FI. Femmes et hommes politiques, représentants de nos deux nations, nous avons une responsabilité majeure, une mission majeure : nous devons prendre le pouls de nos sociétés et donner à nos compatriotes les moyens d'utiliser la coopération franco-allemande et la construction européenne pour améliorer leur vie quotidienne. Nous devons leur permettre de développer des projets concrets dont l'amitié franco-allemande et l'Europe sont les principaux catalyseurs. Robert Schuman, père fondateur de l'Union européenne, affirmait très justement : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. » Et c'est là tout l'enjeu de cette résolution commune : permettre d'enclencher des actions concrètes, visibles et claires pour tous.

Notre résolution commune introduit la coopération dans tous les domaines de la vie. Elle nous permettra d'abord de lever les blocages dans les régions frontalières, dans la reconnaissance des diplômes scolaires, professionnels et universitaires, dans la formation professionnelle, l'emploi, les normes sociales, les prestations médicales ou encore la sécurité. Nous ne pouvons accepter qu'un étudiant allemand ne puisse pas venir travailler en France parce que son diplôme n'est pas reconnu. Nous ne pouvons pas accepter qu'un Français ait des difficultés pour se faire soigner en Allemagne. Nous ne pouvons accepter que les tribunaux de chaque côté de la frontière ne puissent s'accorder sur le cas d'un individu.

L'Europe ne doit pas être un blocage, mais un atout. Dans les territoires frontaliers, les habitants ne peuvent comprendre ces freins alors qu'ils passent quotidiennement et librement les frontières d'hier. Comment pouvons-nous aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation, ne pas nous entendre pour mettre en oeuvre une politique publique commune ? C'est là tout l'enjeu de cette résolution. Elle permettra d'expérimenter cette nécessaire harmonisation et donnera enfin une réelle visibilité quotidienne à l'Europe.

Pour cela, nous nous appuierons sur les eurodistricts franco-allemands existant. Nous leur donnerons les compétences nécessaires pour expérimenter, dans tous les domaines de la vie des citoyennes et citoyens français et allemands qui y vivent. Ne vous en déplaise, wo ein Wille ist, da ist ein Weg : là où il y a une volonté, nous trouverons le chemin pour y parvenir ! Véritables athanors, les eurodistricts auront ensuite vocation à être reproduits sur les autres frontières de l'Allemagne et de la France, et contribueront à la construction d'une Europe intégrée autour de la vie quotidienne de nos citoyennes et citoyens et non plus seulement autour de l'idée économique – indispensable mais trop éloignée, aujourd'hui, des préoccupations quotidiennes du plus grand nombre. La France et l'Allemagne veulent entraîner à leur suite toutes les nations qui le souhaitent.

Notre résolution commune nous donne des clefs essentielles pour résoudre pléthore de problèmes techniques, juridiques ou administratifs. Mais, attentifs, nous ne devrons pas oublier le ciment de tout échange : le rapport à l'autre, seul garant de la respiration et de la croissance de l'amitié et de la coopération. Il nous faudra donc aussi nous mobiliser pour faire connaître et partager la culture du pays voisin. Je reprendrai les mots de notre Président de la République : « Loin d'une vision administrative, l'Europe c'est d'abord une culture partagée et vivante. »

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