Intervention de Stéphanie Kerbarh

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 21h30
Protection des lanceurs d'alerte - rôle du défenseur des droits en matière de signalement d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Kerbarh :

Les lanceurs d'alerte sont essentiels pour notre démocratie. De nombreuses affaires scandaleuses ont été révélées grâce à leur action courageuse. Lorsqu'ils divulguent des informations d'intérêt général, ils prennent des risques, qui peuvent avoir des conséquences sur leur vie professionnelle, voire sur leur vie personnelle. À ce titre, ils méritent notre soutien le plus complet.

Nous nous félicitons de l'accord trouvé en commission mixte paritaire sur ces deux propositions de loi, qui permet de conserver les principales avancées et satisfait la plupart des acteurs concernés. Nous souhaitons remercier M. Sylvain Waserman pour son travail de qualité, dans un esprit transpartisan qui honore notre Parlement.

En France, jusqu'en 2016, la protection accordée aux lanceurs d'alerte était limitée, appliquée uniquement de façon sectorielle. La loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 a introduit le statut de lanceur d'alerte, en en donnant une définition dans la loi. Depuis, dans notre droit, toute personne qui révèle une violation du droit ou une menace pour l'intérêt général entre, quel que soit son secteur d'activité, dans la catégorie des lanceurs d'alerte. Cette définition particulièrement large permet à notre pays de disposer d'une des meilleures protections en la matière.

Cette proposition de loi, qui vient transposer une directive européenne, va plus loin encore que cette directive et permet notamment de pallier les manques de la loi Sapin 2. Ainsi, le texte comporte plusieurs avancées salutaires. Tout d'abord, il élargit la protection apportée aux personnes qui fournissent de l'aide aux lanceurs d'alerte. Le plus souvent des organisations non gouvernementales (ONG), ces facilitateurs jouent un rôle essentiel dans la diffusion de l'alerte. Leur accorder des protections plus abouties était nécessaire.

La proposition de loi supprime aussi la hiérarchisation des canaux de signalement, ce qui signifie que celui-ci pourra désormais être directement effectué auprès d'une autorité externe, et non uniquement en interne, voire, sous certaines conditions, être directement diffusé publiquement. Une telle mesure facilitera la diffusion de l'alerte, lorsque des pressions peuvent s'exercer en interne sur le lanceur d'alerte.

La proposition clarifie aussi les recours aux autorités compétentes pour recevoir et traiter les alertes. Le choix du Défenseur des droits comme autorité d'orientation des signalements nous paraît particulièrement pertinent. Cela vient réaffirmer et renforcer le rôle et l'utilité de cette institution, que beaucoup de pays nous envient et dont le rôle est appelé à croître, dans notre démocratie.

Enfin, la proposition de loi renforce les dispositions visant à protéger les auteurs de signalements et ceux qui leur apportent une aide, en prévoyant notamment l'immunité pénale des lanceurs d'alerte. Ces mesures sont nécessaires pour assurer leur protection mais aussi celle de tous ceux qui leur portent assistance.

Toutefois, ce texte aurait pu aller encore plus loin. Ainsi, il aurait pu être pertinent d'intégrer les personnes morales à but non lucratif, les ONG, à la définition des lanceurs d'alerte, en ne limitant pas cette dernière aux personnes physiques. En effet, de nombreux lanceurs d'alerte souhaitent rester anonymes, et les ONG peuvent relayer pour leur compte cette alerte. Ces associations pourraient par conséquent bénéficier d'un niveau de protection identique à celui des personnes physiques, pour leur permettre de se substituer aux lanceurs d'alerte et diffuser le signalement. De même, les personnes morales facilitatrices de l'alerte auraient pu bénéficier du secret de leurs sources.

Surtout, nous regrettons le refus de faciliter l'octroi d'un statut de réfugié aux lanceurs d'alerte étrangers, comme nous l'avons proposé par amendement. En effet, si le Gouvernement et la majorité souhaitent réellement aller au bout de la démarche de protection des lanceurs d'alerte, ils devraient s'engager à octroyer l'asile politique aux lanceurs d'alerte menacés aujourd'hui, partout dans le monde.

À ce titre, nous trouvons regrettable l'opposition à la proposition de résolution transpartisane visant à accorder l'asile politique à Julian Assange, que notre groupe a défendue dans l'hémicycle le 4 février.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.