Comme l'a rappelé le rapporteur Sylvain Waserman, c'est une étape importante. Nous avons été un certain nombre à contribuer à la transposition dans notre droit national de la directive européenne, et nous voilà au bout d'un processus.
Bien sûr, vous connaissez La France insoumise : on pense toujours que ça ne va jamais assez loin et qu'on pourrait faire mieux. Oui je vous le dis : on ne va pas assez loin et on aurait pu faire encore mieux. Nous avions notamment proposé que la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) apporte un secours financier ; que soit créé un dispositif d'asile – qui aurait pu s'appliquer à M. Assange et à bien d'autres ; que soit prévu un accompagnement psychologique ou médico-psychologique ; que les lanceurs d'alerte du privé puissent intégrer la fonction publique et que ceux du public puissent bénéficier de facilités pour être embauchés dans le privé, grâce à une sorte de bonus accordé aux entreprises qui les accueilleraient ; enfin, que les personnes morales puissent être, elles aussi, reconnues comme des lanceurs d'alerte.
Bien évidemment, je ne suis opposé à rien de ce qui figure dans ces textes. Dit autrement, je suis favorable à tout ce qu'ils contiennent. Notre groupe les votera donc, comme il l'a fait en première lecture. Je craignais, après l'examen du texte au Sénat, que nous soyons en grande difficulté. Mes craintes ont été largement estompées et levées, et c'est tant mieux.
J'utiliserai le temps qu'il me reste dans cette discussion générale pour dire, comme l'a fait Mme Kerbarh avant moi, que, si nous avons tous fait en sorte que ce texte aboutisse, l'attitude du Gouvernement ne montre guère qu'il prend correctement en compte la question des lanceurs d'alerte. Je voudrais ici en nommer quelques-uns – j'espère que ceux que je ne citerai pas ne m'en voudront pas. Je pense notamment à Hella Kherief, aide-soignante, licenciée pour avoir donné l'alerte dans un EHPAD privé lucratif – ce n'est pas la seule à avoir lancé l'alerte et à n'avoir reçu aucun soutien des pouvoirs publics. Je pense aussi à Valérie Murat, à Bordeaux, qui a lancé l'alerte sur les pesticides utilisés dans les vignobles labellisés haute valeur environnementale (HVE). Je pense encore à Hugo, de la centrale de Tricastin, qui a lancé l'alerte à plusieurs reprises et qui a même rencontré le Gouvernement, respecté le circuit en prévenant sa hiérarchie, selon les règles précédentes et non celles que nous sommes en train de voter. Qu'a-t-il été fait de ses alertes ? On se le demande bien ! Ou plutôt, on sait parfaitement qu'elles n'ont pas été suivies d'effet.
La dernière personne que je voudrais citer, parce qu'elle me semble particulièrement évocatrice de la duplicité du Gouvernement envers les lanceurs d'alerte, est Amar Benmohamed, que nous avons rencontré et qui avait été auditionné quelques semaines auparavant par nos collègues Olivier Marleix et Raphaël Gauvain, dans le cadre de leur analyse de la loi Sapin 2. Nous avons appris qu'il avait subi une sanction disciplinaire le 24 janvier dernier pour avoir témoigné, à huis clos, devant Olivier Marleix et Raphaël Gauvain, à l'Assemblée nationale. Il a reçu un blâme pour ne pas avoir prévenu qu'il allait être auditionné, mais l'avoir signalé a posteriori. Nous apprenons même qu'il a une troisième procédure sur le dos parce qu'il a parlé à la presse ! Mais qu'a raconté ce brigadier ? Ce qui se passe d'inadmissible dans les geôles du tribunal judiciaire de Paris, où des femmes et des hommes – surtout des hommes – sont traités comme des moins que rien, comme des animaux, du fait de discriminations racistes et de comportements inacceptables.
Oui, je vais voter ces textes, oui je suis content du travail parlementaire que nous avons fait, mais je ne peux pas laisser croire que leur adoption signifiera que le Gouvernement met tout en œuvre pour les lanceurs d'alerte. Non, il reste encore du pain sur la planche et, même si nous avons amélioré la protection des lanceurs d'alerte, il nous reste d'importantes marges de progression en matière de traitement des alertes, souvent laissées en jachère ou mises sous le tapis. Il n'en sera rien, évidemment, si d'aventure nous emportons la prochaine élection présidentielle…