Intervention de Marielle de Sarnez

Séance en hémicycle du lundi 22 janvier 2018 à 17h00
Nouveau traité de l'Élysée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères :

Tel est notre responsabilité ; tel est le rendez-vous auquel nous devons répondre présents pour l'Europe, et pour le monde. Jamais période ne sera plus propice car le nouveau contexte politique dans nos deux pays en offre l'opportunité, le Brexit et les défis auxquels l'Europe est confrontée en font une nécessité, et les élections européennes de 2019 en fixent l'agenda. Cela veut dire que le temps des atermoiements et des renoncements doit désormais être laissé derrière nous, et que doit s'ouvrir le temps de la volonté politique et du projet novateur. Je me félicite de la volonté exprimée, de part et d'autre du Rhin, de façonner cette Europe nouvelle, et de le faire en assumant clairement le choix européen devant l'opinion publique, à l'image du discours du Président de la République à la Sorbonne. Nos deux pays ont plus que jamais une responsabilité conjointe à l'égard de l'ensemble européen et de chacun des pays qui le composent.

Le premier chapitre de cette responsabilité nouvelle consiste à donner au débat politique européen une efficacité, une capacité à décider et une ouverture aux citoyens qui lui ont cruellement manqué depuis des années ! Il faut en finir avec l'incroyable distance qui existe entre dirigeants et citoyens, et avec l'opacité trop souvent érigée en principe de gouvernement. Les peuples européens doivent être associés au contenu des politiques européennes, et les dirigeants européens doivent assumer et revendiquer devant leurs opinions publiques les choix qui sont les leurs. C'est un changement de culture, une véritable conversion démocratique qu'il faut conduire et qui permettra aux peuples européens de se réapproprier l'idée européenne et de la faire vivre.

Deuxième chapitre de cette responsabilité nouvelle : notre modèle de développement. Nous avons, nous Européens, un modèle économique et social unique au monde. Il nous faut le vivifier pour le préserver et pour le faire grandir. Nous ne pouvons nous contenter d'avoir une monnaie commune sans développer ensemble une politique économique et sociale. Sur cette question comme sur beaucoup d'autres, le statu quo n'est plus viable, n'est plus tenable. En effet, ce qui est en cause, c'est notre capacité à lutter contre les inégalités, à créer de l'emploi et de la croissance pour tous, c'est le devenir de la zone euro, le devenir de l'intégration européenne, de la consolidation de nos institutions à un moment où, nous le sentons bien, le fossé se creuse en l'Europe, entre pays fondateurs et pays de l'Est.

Les temps ne sont plus à tergiverser. Il faut, dès cette année, se mettre d'accord sur un calendrier de convergences fiscales et sociales : cela veut dire harmonisation de l'impôt sur les sociétés et agenda social européen, avec pour l'un comme pour l'autre de ces deux volets de l'action commune, des objectifs de rapprochement progressif et des calendriers précis. De même, il faut nous doter d'une capacité à réguler les grandes puissances d'aujourd'hui, je pense aux GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – , d'une capacité à avancer en matière de réciprocité dans les échanges et de reconnaissance du droit des grandes zones de la planète à se défendre dans la compétition internationale, ainsi que dans la capacité à produire enfin une politique industrielle et de recherche commune. Cela passe par une réforme ambitieuse de la zone euro la dotant d'une capacité d'investissement conséquente et d'un contrôle démocratique. Sur ces sujets, nous le savons bien, rien ne se fera sans la volonté commune de nos deux pays.

Troisième chapitre de cette responsabilité : faire face ensemble aux défis du monde. Les défis de ce siècle, nous les connaissons : c'est la sécurité de notre continent frappé par le terrorisme, ce sont les crises qui se multiplient aux portes de l'Europe, je pense à la Syrie, à la Libye et à l'Ukraine, ce sont de nouvelles inquiétudes devant l'instabilité du monde, c'est la crise migratoire et le droit d'asile, le dérèglement climatique et ses conséquences, le développement et le partenariat avec l'Afrique, la mondialisation sans règles que certains tentent de nous imposer, et bien sûr le devenir de l'Europe et de son influence dans le monde, et, enfin, c'est l'équilibre du monde lui-même.

Il n'y aura aucune réponse pertinente et efficace à tous ces défis si nous ne sommes pas unis et solidaires, et si l'indépendance et la puissance de l'Europe ne sont pas consolidées. Car nous ne pourrons faire entendre notre voix dans le monde, agir pour le dialogue et le multilatéralisme, plaider pour un développement équilibré de la planète, défendre notre modèle et nos valeurs que si nous sommes solidaires et unis. Dans les valeurs que nous revendiquons, la tolérance, la liberté de conscience, la liberté de penser, la liberté de croire ou de ne pas croire, le pluralisme et la laïcité, il y a bien une proposition faite au monde. C'est dire l'importance de notre tâche : faire de l'Europe une puissance tranquille et rayonnante, au service du bien-être de ses peuples et de l'équilibre du monde.

Chers collègues, messieurs les présidents, nous le voyons bien : ce moment nous offre un choix historique, notre responsabilité est immense. Je ne doute pas que nous saurons le saisir et que nous serons à la hauteur de l'histoire.

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