Intervention de Valérie Six

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six :

Je tiens tout d'abord à rappeler mon attachement au droit à l'IVG. Ce droit reste, pour notre groupe, inaliénable ; nous le défendrons toujours.

Chaque année, 2 % de femmes seraient contraintes de se rendre à l'étranger pour y subir une IVG car elles ont dépassé le délai légal dans lequel elles peuvent y recourir en France. Notre groupe est particulièrement préoccupé par leur détresse. Toutefois, nous ne sommes pas convaincus qu'allonger ce délai de douze à quatorze semaines soit la solution. L'Académie nationale de médecine (ANM), qui rend un avis médical, observe qu' « avant de changer la loi, il convient toujours de s'assurer que tout a été fait pour l'appliquer. Or ce n'est pas le cas ! »

Pour nous, le problème réside davantage dans l'accessibilité à l'IVG, compromise en raison du manque de praticiens et de structures hospitalières, et faute de prévention, en particulier à l'école. Le comité d'éthique de l'ANM ne pense d'ailleurs pas autrement : il « considère qu'une telle prolongation ne permettrait pas de remédier efficacement et durablement à l'atteinte du principe éthique d'égalité car elle ne corrigera pas les inégalités territoriales d'accès à l'IVG ». Comment expliquer que le taux de recours à l'IVG dans la région Pays de la Loire était de 11,8 pour mille femmes alors que, dans le même temps, il s'élève à 22,9 pour mille en région PACA et à 39 pour mille en Guyane ? Ces disparités territoriales démontrent bien que, dans certains territoires, il y a des carences qui conduisent à subir une IVG. C'est sur la résorption de ces carences que nous devons concentrer nos politiques publiques.

La précarité des femmes est un autre sujet prégnant dans l'accès à l'IVG. Voici ce qu'indique la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – dans un document récent : « Pour la première fois, les données sur les IVG ont été appariées avec des données fiscales pour l'année 2016. Elles montrent une corrélation nette entre le niveau de vie et l'IVG ; les femmes les plus précaires y recourent sensiblement plus que les femmes les plus aisées. » D'ailleurs, la prise en charge à 100 % de la contraception pour les jeunes filles de 15 à 18 ans a permis de diminuer le taux de recours à l'IVG de 9,5 pour mille en 2012 à 6 pour mille en 2018. C'est sur cette corrélation entre précarité et recours à l'IVG qu'il nous faut davantage travailler. Le Gouvernement s'y est d'ailleurs attelé en prévoyant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 une prise en charge de la contraception féminine pour les femmes jusqu'à 25 ans.

Pour ce qui est de l'article 2, nous saluons le maintien de la clause légale de conscience spécifique à l'IVG. C'est une des conditions de l'équilibre du droit à l'avortement dans notre société. D'ailleurs, le Comité consultatif national d'éthique est de cet avis : « Mais la pratique d'une IVG ne pouvant être considérée comme un acte médical ordinaire, le CCNE considère que la clause de conscience spécifique prévue par l'article L. 2212-8 du code de la santé publique en souligne la singularité et est donc favorable à son maintien pour les médecins et les sages-femmes. »

Enfin, nous sommes totalement opposés à la création d'un répertoire national publiant le nom des médecins pratiquant une IVG, qui permettrait a contrario de connaître le nom de ceux qui ne la pratiquent pas. Cette publication reviendrait à remettre en cause, en pratique, la liberté de conscience. Une telle liste ne devrait être accessible qu'à un médecin, pour faciliter l'orientation de la femme vers un confrère qui pratique l'avortement avec des délais raccourcis pour le consulter.

En conclusion, nous craignons que la proposition de loi ne dénature l'équilibre qu'a su instaurer Simone Veil sur l'avortement, entre la liberté de la femme à disposer de son corps et la protection de la valeur suprême de la vie. Nous craignons également que ces mesures ne répondent pas à la problématique soulevée et passe à côté des vrais enjeux que sont la prévention, l'accès à une information fiable dans tous les territoires et l'accompagnement de toutes les femmes dans leur contraception. Comme lors des lectures précédentes, notre groupe votera majoritairement contre ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.