Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du mercredi 16 février 2022 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes :

Pourquoi ? Pour assurer le transport des salariés qui se trouvaient en première ou en deuxième ligne face à la crise du covid-19 et pour permettre le respect des règles de distanciation. Les opérateurs ont subi, de ce fait, de très grosses pertes financières liées à la contraction des recettes tarifaires, mais l'État a accepté de les compenser massivement.

Il me semble important de rappeler que c'est cette présence positive de l'État qui a permis à notre pays de faire face aux vagues épidémiques et au spectre de la récession économique. L'État ne peut pas tout, mais la crise a toutefois montré qu'il peut beaucoup dans des périodes aussi dramatiques que celle que nous avons traversée et traversons encore.

On dit souvent que la Cour « épingle » et « étrille » : je déteste cette présentation, car telle n'est pas sa vocation. Elle est là pour porter un jugement, émettre une appréciation et donner une évaluation équilibrée des politiques publiques grâce à des éléments d'analyse objectifs et étayés. Toutefois, en miroir des réussites qu'elle a à cœur de souligner, la Cour revient également sur les dysfonctionnements qui ont émergé au cœur de la crise sanitaire, car tout n'a pas été parfait – c'est le deuxième enseignement de ce rapport public annuel 2022.

D'abord, dans certains domaines, la gestion de la crise sanitaire a été marquée par un manque de ciblage des moyens déployés qui s'est traduit par une moindre efficacité des dispositifs de soutien et de relance. Je pense d'abord au plan « 1 jeune, 1 solution ». Il fallait intervenir de manière massive en la matière, mais on n'a pas assez tenu compte des réalités locales, ce qui s'est traduit par une amplification des moyens de manière quasi uniforme sur l'ensemble du territoire, y compris dans des zones où la situation des jeunes au regard de l'emploi ne donnait guère de signes de dégradation. Il faut réfléchir à une politique ciblée pour permettre aux jeunes de sortir du chômage. Dans le même esprit, le chapitre relatif aux mesures européennes en faveur de l'emploi fait ressortir des lacunes dans le pilotage du ministère chargé du travail. La France se singularise par une dispersion des financements vers une multitude d'actions et de porteurs de projets, ce qui complique la gestion et l'audit des fonds correspondants. Nous insistons sur le fait que la culture de la maîtrise des risques doit être renforcée. Il y va de la bonne utilisation des fonds européens, dont la France peut bénéficier jusqu'en 2026 dans le cadre de ce que l'on appelle la facilité pour la reprise et la résilience.

Plus globalement, il ressort de nos travaux que le manque de calibrage des dispositifs pourrait aussi provenir d'une insuffisante connaissance des bénéficiaires potentiels. C'est le constat dressé dans l'important chapitre relatif aux dispositifs de soutien à la vie étudiante, lequel déplore la prise en charge tardive de la communauté étudiante lors de la crise. Ce retard reflète l'éloignement et le manque de données et d'informations sur la population des étudiants. Les dispositifs retenus partaient d'un bon sentiment ; ils ont toutefois été dirigés vers des publics connus, à savoir les boursiers, plutôt qu'en direction d'autres étudiants en grande précarité, moins visibles des services administratifs. Là encore, la politique publique est sans doute à affiner.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.