Depuis 2017, la France a été le théâtre de quatorze attaques terroristes : à travers ces actes ignobles, ce sont notre République et nos valeurs qui sont visées. Dans un contexte de menace très élevée, le Gouvernement, à la demande du Président de la République, s'est pleinement mobilisé dans la lutte contre la radicalisation et contre le terrorisme. Cet engagement sans faille de nos services a permis de déjouer trente-sept attaques au cours des cinq dernières années.
Depuis 2017, le Gouvernement a œuvré avec une très grande détermination au renfort des dispositifs de lutte contre la menace terroriste, en matière de moyens humains, budgétaires et juridiques, au profit de l'ensemble des services de renseignement, des forces de sécurité, des magistrats, qui mènent un combat sans relâche. Vous le savez, depuis 2017, nous avons consenti un effort sans précédent en direction des services spécialisés en matière de lutte antiterroriste : au total, 1 900 postes supplémentaires ont été créés dans le renseignement.
Les budgets d'investissement et de fonctionnement des services ont aussi fait l'objet d'un effort inédit. Ainsi, nous avons pratiquement doublé le budget de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) entre 2015 et aujourd'hui. Nous avons créé le parquet national antiterroriste (PNAT), pour renforcer la force de frappe judiciaire antiterroriste.
Le cadre légal a également évolué pour s'adapter. En effet, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, a introduit dans le droit commun quatre mesures de police administrative issues de l'état d'urgence, qui ont démontré toute leur efficacité et leur pertinence : périmètre de protection, fermeture des lieux de cultes, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), visites domiciliaires. Cette même loi a en outre permis des avancées significatives aux activités de renseignement.
Je le redis, l'action de l'État se concentre non seulement sur le terrorisme et sur la radicalisation violente, mais aussi sur leur terreau : l'islamisme et le repli communautaire. Nous avons généralisé, fin 2019, dans chaque département, une cellule départementale de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR). Par ailleurs, le ministre de l'intérieur et moi-même avons développé une stratégie globale de lutte contre le séparatisme et l'islamisme, notamment avec la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui constitue une étape majeure.
Ces avancées doivent se poursuivre, pour mieux appréhender des criminels aux profils et aux méthodes qui évoluent, en adaptant nos outils. Tel est l'objet du présent texte, que, je l'espère, vous adopterez. La majorité des porteurs de menace détectés ces deux dernières années ne sont pas en lien avec des réseaux terroristes structurés, mais se radicalisent et s'aguerrissent de manière isolée, le plus souvent sur internet : c'est ce qui constitue, selon l'expression de Gilles Kepel, le « djihadisme d'atmosphère ».
À la faveur de la diffusion informatique d'une vaste propagande terroriste et de l'émergence de nouveaux moyens de communication électroniques, les actes terroristes sont de plus en plus le fait d'individus qui s'inspirent des messages de propagande émanant des organisations terroristes et diffusés sur internet. Ces messages de propagande incitent au passage à l'acte en fournissant les tutoriels pour leur réalisation. Les individus ne sont pas pour autant en contact visible ou direct avec les organisations, les réseaux ou les groupes terroristes : ils échappent ainsi à toute capacité de détection par le biais d'une surveillance ciblée.
Les enjeux de détection sont donc fondamentaux. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé plusieurs actions : la valorisation du numéro vert dédié au recueil de signalements, dont je rappelle l'importance, car chacun doit se sentir concerné par la lutte antiterroriste ; un effort accru sur la détection en ligne. Le ministère de l'intérieur a ainsi considérablement augmenté les moyens de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements, passée, en un an, de trente-deux à cinquante-quatre agents ; depuis janvier ses horaires d'ouverture – autrefois ceux d'un service administratif – la rendent désormais accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept – je rends hommage à ses agents, exceptionnellement mobilisés. Un effort accru a également été fait sur la détection des pratiques en ligne, avec la pérennisation de la technique de renseignement et de traitement automatisé de données de connexion.
Je le redis, la radicalisation en ligne représente un danger. L'assassinat terrible du professeur Samuel Paty et les premiers éléments de l'enquête ont montré à quel point, hélas, de jeunes personnes sont très facilement radicalisées et enrôlées en ligne sur les réseaux sociaux, sans jamais avoir rencontré personne de visu.
De plus, la circulation d'informations de haine sur internet ne s'arrêtant pas aux frontières nationales, le règlement européen relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne vise à permettre le retrait de ces contenus en une heure au maximum : faute de procéder à ce retrait dans le délai imparti, les plateformes s'exposent à des sanctions financières allant jusqu'à 4 % de leur chiffre d'affaires. Je tiens à cet égard à remercier toutes les personnes qui se sont mobilisées pour obtenir cette avancée majeure. Vous le savez, pour un bon fonctionnement de ce dispositif, des autorités indépendantes, chargées d'assurer et de contrôler la légalité du retrait des contenus, sont désignées par chaque État membre.
La proposition de loi de Mme Bono-Vandorme vise donc à renforcer considérablement notre arsenal, en adaptant notre droit national au règlement européen relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne. Elle constitue, j'en suis persuadée, un outil décisif pour lutter contre le terrorisme, en France et en Europe.