Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mercredi 16 février 2022 à 15h00
Prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Il est évident que c'est de votre responsabilité !

Pourquoi nous battons-nous ? Une vieille bataille des militants du logiciel libre et d'internet est l'interopérabilité des plateformes, sujet sur lequel nous avions présenté un amendement déclaré irrecevable. Il s'agit d'obliger les plateformes à structurer le contenu de telle sorte que d'autres plateformes puissent y accéder. Les plateformes ne doivent pas être propriétaires des données qu'elles hébergent ; c'est la personne qui s'est rendue sur cette plateforme qui doit toujours rester propriétaire de ses propres données et pouvoir les transporter d'une plateforme à l'autre. Vous qui aimez la concurrence libre et non faussée, ce genre de système devrait vous plaire !

Il faut faire en sorte que les personnes puissent s'extraire des lieux où il y a des contenus haineux et où l'on trouve du contenu violent et potentiellement terroriste.

Par ailleurs, les terroristes sont rarement recrutés sur Twitter ; ce n'est pas exactement comme cela que ça se passe. Twitter, Facebook, les grands réseaux sociaux sont des lieux dans lesquels on diffuse du contenu et où des contacts s'établissent. Ensuite, la préparation d'attentats se fait sur d'autres types de plateformes : sur des forums qui sont hébergés et beaucoup moins visibles ou sur des messageries cryptées, telles que Signal ou Telegram. Pour y accéder, nos services de renseignement apportent une plus-value car ils peuvent rechercher et aller voir au plus près. Ainsi, PHAROS avait détecté, non pas forcément une volonté de passer à l'acte, mais une radicalisation de l'assassin présumé de Samuel Paty. Cela aurait pu servir de signal pour que les services de renseignement recherchent ce qu'il y avait derrière. C'est bien à cela que servent les signalements ! Sinon, à quoi bon en faire ? Faut-il attendre, pour interpeller quelqu'un, qu'il dise : « Ah, je vais passer à l'acte ! » ? Ce que vous nous racontez n'a pas de sens.

La modération relève d'un traitement humain. Quand on fait du traitement algorithmique, il faut à tout le moins qu'il soit public et transparent et que l'on garantisse les libertés fondamentales telles que la liberté d'expression et le droit à la vie privée. Or vous n'apportez aucune de ces garanties.

L'inconstitutionnalité de votre texte est évidente ! Vous donnez des prérogatives exorbitantes au pouvoir exécutif sans assurer un contrôle a priori par les citoyennes et les citoyens sur les messages qu'ils envoient et sans permettre une contestation dans des délais acceptables et raisonnables.

Enfin, on lutterait plus efficacement contre le terrorisme, contre la propagation de messages terroristes en ligne, en arrêtant de faire des lois tous les quatre matins – ce qui revient à valoriser les terroristes et à leur donner ce qu'ils cherchent : une exposition permanente – et en améliorant nos discussions avec les médias traditionnels. En effet, comment sait-on que des attaques terroristes ont été perpétrées ? Parce que les médias en parlent, parce que nous débattons à l'Assemblée de textes visant à les prévenir. En matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme, agir sans tambour ni trompette reste la meilleure stratégie pour ne pas donner prise à nos ennemis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.