Paris, Bruxelles, Nice, Vienne… Depuis 2015, les attentats terroristes qui ont dramatiquement frappé l'Europe – et particulièrement la France – ont démontré l'utilisation exponentielle qui est faite d'internet et des réseaux sociaux. Le djihad et l'apologie du terrorisme se diffusent en ligne, les terroristes y enrôlent leurs nouvelles recrues et internet agit comme un facilitateur extrême de propagande.
Si les plateformes peuvent, certes, s'engager volontairement dans la lutte contre le terrorisme en ligne, on ne saurait évidemment s'en satisfaire et en rester là. Dès 2014, la législation française a renforcé les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et établi, puis étoffé et renforcé, année après année, un dispositif administratif unique de blocage et de déréférencement des contenus à caractère terroriste et pédophile. Mais la France et les pays européens dramatiquement touchés par le terrorisme ne peuvent agir de manière isolée.
Aussi l'Union européenne s'est-elle emparée du sujet. En mars 2018, la Commission a adopté une série de recommandations pour lutter efficacement contre le contenu illégal en ligne. Après plusieurs mois de négociations, ces recommandations ont abouti au règlement du 29 avril 2021 relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, aussi connu sous le nom de règlement TCO.
Nous sommes absolument convaincus que la régulation du numérique, s'agissant notamment de la question du terrorisme, ne peut se faire qu'à l'échelle européenne. La mutualisation des moyens entre États est primordiale. Seule l'Europe dispose aujourd'hui du poids nécessaire pour faire plier les grandes plateformes et assurer le respect de nos règles, et c'est avec nos partenaires européens que nous devons avancer sur ce sujet pour pouvoir vraiment agir.
Le règlement TCO, qui entrera en vigueur le 7 juin prochain, est indéniablement une pierre supplémentaire à cet édifice. Il permet une harmonisation des moyens de lutte contre la radicalisation au sein de l'Union européenne, tout en préservant la liberté d'expression et d'information ainsi que le pluralisme des médias. Si certaines dispositions de ce règlement figurent déjà dans notre législation – grâce notamment aux mesures que nous avons adoptées ces dernières années au travers de divers textes –, et bien qu'il soit d'application directe sur le territoire français, il reste certaines dispositions à adapter pour assurer sa pleine effectivité.
C'est le cas de la possibilité ouverte par le règlement d'enjoindre aux plateformes de retirer dans l'heure des contenus à caractère terroriste. Nous avons tous à l'esprit la proposition de loi de notre collègue Laetitia Avia qui, pour lutter contre la haine sur internet, prévoyait une disposition similaire de retrait dans l'heure des contenus à caractère terroriste ou pédophile, que le Conseil constitutionnel avait jugée excessive au regard de la liberté d'expression. Rappelons toutefois que le Conseil a donné son accord sur le principe même de l'injonction de retrait, soulignant que la diffusion de contenus provoquant à la commission d'actes terroristes, ou en faisant l'apologie, constitue un abus de la liberté d'expression et de communication portant gravement atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Nous partageons tous, ici, l'impérieuse nécessité de lutter contre l'extrême violence en ligne, qui ne cesse de se répandre.
Je tiens également à souligner que la proposition de loi qui nous est présentée s'inscrit dans un contexte différent de celui dans lequel le Conseil constitutionnel avait rendu sa décision. Elle se fonde sur un règlement européen qui est, lui aussi, d'application directe sur notre territoire. C'est ce règlement, et non la proposition de loi, qui prévoit le principe de l'injonction de retrait. La proposition ne vise qu'à permettre son effectivité en désignant une autorité administrative compétente pour prononcer les injonctions et en attribuant de nouvelles compétences à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Elle introduit aussi des sanctions pénales et administratives en cas de manquements, dispositif évidemment indispensable pour assurer l'application du droit européen. Il y va non seulement du respect de nos engagements internationaux et de notre crédibilité auprès de nos partenaires, mais aussi du maintien de l'ordre public numérique. Notons par ailleurs que certaines des garanties mentionnées par le Conseil constitutionnel sont prévues par le règlement ; il s'agit du caractère suspensif du recours devant le juge et de la définition des contenus à caractère terroriste.
Nous insistons toutefois sur l'importance que notre législation demeure cohérente avec le futur règlement Digital Services Act (DSA), qui devrait apporter de nouvelles solutions de régulation des plateformes.
Nous sommes convaincus que la France saura mener les négociations nécessaires dans le cadre de sa présidence de l'Union et que nous aboutirons ainsi, au niveau européen, à une législation ambitieuse et efficace sur le sujet. Notre détermination à lutter contre le terrorisme est totale. Vous l'aurez compris, le groupe Démocrates soutient pleinement ce texte qui permettra, dans la lignée de la loi confortant le respect des principes de la République promulguée en août dernier, de limiter les abus en ligne, de renforcer la protection et la sécurité de nos concitoyens et d'éviter qu'internet ne devienne une zone de non-droit.