Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du mercredi 16 février 2022 à 15h00
Prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

Il y a une semaine déjà, en commission des lois, nous évoquions la présente proposition de loi et rappelions à quel point nous étions confrontés à une augmentation massive de la propagande à contenu terroriste. Ne soyons pas naïfs, nous avons parfaitement compris que les organisations terroristes saisissent l'objet internet, les réseaux sociaux et les plateformes pour inciter un certain nombre de nos concitoyens à commettre des attentats, allant même, parfois, jusqu'à publier des modes d'emploi dans le but de faire un maximum de dégâts et, d'une certaine manière, de faire aussi l'apologie des attentats perpétrés.

Cette proposition de loi s'attache bien sûr à préserver la sécurité publique en réduisant l'accessibilité des contenus à caractère terroriste. La force du texte est bien sûr de s'approprier la définition européenne des fameux contenus à caractère terroriste, moins restrictive que celle qui prévaut aujourd'hui dans le droit français. Sa mesure phare réside dans le fait d'imposer le retrait de contenus terroristes dans l'heure suivant l'injonction de l'autorité administrative.

Il y a une semaine, en commission des lois, nous avons déjà eu des débats nourris sur la constitutionnalité de ce dispositif. Ces débats, et les craintes qui ont été soulevées, sont légitimes à l'heure où une précédente proposition loi sur les contenus haineux, défendue par notre collègue Laetitia Avia, avait subi la censure du Conseil constitutionnel. Mais les arguments pertinents de la rapporteure ont conduit le groupe que je représente aujourd'hui, Agir ensemble, à se prononcer en faveur du dispositif. Le premier de ces arguments consiste à dire que l'application, ou la transposition, de dispositions provenant d'un règlement européen implique que le Conseil constitutionnel soit un peu plus souple dans son appréciation. L'autre argument, peut-être le plus important, est que l'expression de « contenus à caractère terroriste » est bien plus objective, bien plus claire et bien plus encadrée que ne l'était celle de « contenus haineux ».

Notre groupe comprend bien sûr les crispations et les inquiétudes relatives à la préservation des droits fondamentaux. Rappelons les dispositions qui permettent justement de les garantir dans cette proposition de loi. D'abord, s'agissant des injonctions de retrait transfrontières, l'ARCOM aura le pouvoir de procéder à un examen approfondi de celles qui lui auront été transmises par un autre État. Ce contrôle vise à déterminer la régularité de la demande et sa compatibilité avec les libertés et les droits fondamentaux garantis par la Charte de l'Union européenne. Il se justifie bien sûr par l'existence de définitions parfois différentes, selon les pays, de la liberté d'expression et même du terrorisme.

Quant aux hébergeurs et fournisseurs des contenus ciblés par les mesures de la proposition de loi, ils pourront en contester le blocage devant le juge administratif. Le recours pourra être fait dans un délai de quarante-huit heures et la décision interviendra dans un délai de soixante-douze heures. La bataille contre le terrorisme et contre la propagande terroriste nécessite l'engagement de tous les acteurs : des autorités, bien sûr, mais aussi des fournisseurs et des hébergeurs de sites.

Saluons l'action du garde des sceaux sur ce sujet ; le pôle national de lutte contre la haine en ligne mis en place au sein du parquet de Paris notamment, dans le but de centraliser le traitement des affaires les plus significatives et les plus complexes, a déjà démontré en quelques mois son efficacité et son utilité.

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui vise à lutter contre les séparatismes, a doté ce pôle national d'outils supplémentaires : le délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations personnelles et surtout la possibilité, en cas de flagrant délit, de procéder à des comparutions immédiates, jusqu'alors impossibles en droit de la presse. Enfin, afin d'éradiquer cette propagande, la collaboration européenne est vitale : je salue le fait qu'il y a quelques jours, à Lille, le garde des sceaux et ses homologues ont tenté de la renforcer grâce à une définition et un cadre clairs, en vue de contraindre les plateformes de Google, Twitter ou encore Facebook à collaborer avec les services judiciaires des États membres de l'Union européenne.

Cette proposition de loi complète les efforts que nous fournissons depuis 2017 sur la question du terrorisme tout en parvenant à un équilibre entre la lutte contre les contenus terroristes et le respect des droits fondamentaux auxquels, dans cet hémicycle, nous sommes tous attachés. C'est pourquoi le groupe Agir ensemble votera en sa faveur.

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