J'ai en effet explicité à la tribune notre opposition à la proposition de loi. La manière dont vous présentez les choses est inexacte et plutôt imprécise : vous recourez aux généralités en parlant de lutter contre le terrorisme sur internet, puis vous en arrivez sans transition aux réseaux sociaux, qui ne représentent pourtant qu'une fraction, si visible soit-elle, de l'activité en ligne. En réalité, l'organisation du terrorisme sur internet passe par de multiples canaux ! Le terme même d'internet renvoie plus largement au numérique, aux nouvelles technologies : j'ai parlé tout à l'heure des messageries cryptées, Telegram, Signal et autres. Les projets d'attentat déjoués, les livres dont il a été question nous ont appris comment les terroristes se retrouvaient sur des forums d'apparence innocente, consacrés à quelque sujet anecdotique, dont ils utilisaient les commentaires pour n'être détectés ni par les services de renseignement ni par des personnes extérieures.
Il faut des outils adaptés aux circonstances : si vous voulez réglementer ce qui se passe sur les réseaux sociaux, faites-le, à tout le moins, en respectant les droits et libertés, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. J'irai jusqu'à dire que ce n'est pas parce que le règlement a été voté au niveau européen qu'il convient de le décliner simplement, bêtement, alors qu'il a fait l'objet de nombreux débats et d'une adoption qui n'avait rien d'unanime. Beaucoup d'États l'ont contesté, ainsi que la très grande majorité – pour ne pas dire la totalité – des associations de défense des droits et libertés. L'État français pourrait donc bien s'assurer qu'il est conforme à ses textes fondamentaux, voire aller plus loin et le renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) afin d'éviter qu'il s'applique en France, ou du moins qu'il porte atteinte de manière disproportionnée à nos droits fondamentaux.