Intervention de Julien Denormandie

Séance en hémicycle du mardi 22 février 2022 à 21h45
Gestion des risques climatiques en agriculture — Présentation

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je suis fier d'être à cette tribune aujourd'hui, pour l'aboutissement de l'une des réformes les plus structurantes pour le monde agricole. Beaucoup d'entre vous partagent cette ambition si j'en crois les nombreux échanges que nous avons eus. Notre avenir va, inévitablement, être de plus en plus affecté par le changement climatique. Nous avons tous en tête le terrible épisode de gel qui a sévi dans notre pays en avril dernier et qui a constitué la plus grande catastrophe agronomique de ce début du XXIe siècle. Nous aurions également pu évoquer les sécheresses, les inondations, les grêles ou les intempéries, qui font du changement climatique une réalité cruelle pour les productions agricoles.

Je sais que nous partageons tous la même conviction : les agriculteurs ne peuvent pas supporter seuls le coût du changement climatique. Ils sont les premiers à subir les conséquences de ces catastrophes : une véritable épée de Damoclès pèse sur notre agriculture et constitue un frein majeur à l'installation. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé cette réforme ambitieuse, le 10 septembre, devant les jeunes agriculteurs, lors des Terres de Jim : cette réforme est leur ceinture de sécurité. Ce qui est vrai pour l'installation l'est aussi, bien sûr, pour les personnes déjà installées.

Notre système de couverture des risques dans le monde agricole est à bout de souffle : nous en convenons tous, sur ces bancs. Toutes les filières sont unanimes : le système actuel n'est pas assez accessible ni avantageux, il est trop complexe, parfois injuste, et implique souvent des démarches beaucoup trop longues – les critiques sont nombreuses. Le projet de loi vise donc à procéder à une véritable refondation du régime d'indemnisation des pertes de récolte et à la mise en place d'une nouvelle assurance climatique, attendue depuis fort longtemps par l'ensemble du monde agricole. Notre objectif n'est pas de le refonder pour un ou deux ans, mais pour les décennies à venir, de manière ambitieuse.

Les travaux sur la question ont été multiples et de grande qualité. Je salue à cet égard l'effort du rapporteur Frédéric Descrozaille, et de beaucoup d'entre vous, qui y avez également participé, depuis de longues années. Ces travaux s'appuient eux-mêmes sur ceux lancés par mes prédécesseurs, Didier Guillaume et Stéphane Travert, que je salue.

Beaucoup de systèmes ont été envisagés. Aucun projet n'a abouti, car – j'en ai l'intime conviction – aucun ne reposait sur le principe qui nous guide et qui manquait, celui de la solidarité nationale. Je le redis : nos agriculteurs ne peuvent pas, ne peuvent plus faire face seuls aux risques climatiques.

Le premier élément essentiel de cette réforme est celui de l'engagement du Gouvernement à développer considérablement la solidarité nationale, en finançant le système d'assurance des risques climatiques et en portant leur couverture à 600 millions d'euros, ce qui constitue un effort budgétaire significatif. La traduction concrète des annonces budgétaires se fera dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, une fois les paramètres arrêtés. Les annonces du Président de la République sont dorénavant inscrites dans les premiers articles du texte, à la suite du travail considérable mené en commission mixte paritaire. L'appui sur la solidarité nationale constitue un changement de paradigme en matière d'assurance climatique, conformément à l'engagement du Président de la République.

Deuxième principe essentiel : le nouveau dispositif repose sur une couverture universelle. Ainsi, tout agriculteur y aura accès, quelle que soit la culture, qu'il soit assuré ou non, à la différence des deux systèmes qui coexistent actuellement, entrant en concurrence pour certaines cultures et aboutissant à laisser sans réponse des pans entiers de notre agriculture.

Le troisième principe est celui d'une plus grande accessibilité, grâce à la réforme de l'assurance multirisque climatique – l'assurance récolte –, qui ne couvre actuellement que 18 % des surfaces, non pas parce que les agriculteurs seraient des mauvais gestionnaires, mais parce qu'elle n'est pas suffisamment intéressante ni accessible, et est trop onéreuse. C'est par la construction même du dispositif que nous rendrons l'assurance multirisque climatique plus accessible aux agriculteurs : c'est le fameux deuxième étage de la nouvelle mécanique d'assurance climatique.

Quatrième principe : la réforme passe par plus de régulation, à travers la constitution d'un pool mutualisant les risques ou l'élaboration d'une tarification actuarielle technique commune, soit une plus grande transparence dans la constitution des prix, afin de renforcer la confiance dans le système assurantiel et de s'assurer que le risque soit équitablement réparti entre tous.

Enfin, cinquième point, le nouveau système repose massivement sur la solidarité nationale, avec le troisième étage qui permettra à l'État d'assumer les risques en cas de catastrophe au-dessus d'un certain seuil.

Je le redis, je tiens à saluer le travail parlementaire, qui fut intense et très bien guidé par M. le rapporteur, cher Frédéric Descrozaille. Il est également le fruit d'un collectif, sur tous les bancs, quelles que soient les opinions politiques : tout le monde considère cette réforme comme impérieuse. Des parlementaires de tous bancs se sont montrés passionnés par les problématiques agricoles. Depuis deux ans, j'ai travaillé à vos côtés : les textes furent nombreux, les débats intenses, mais toujours de très grande qualité. Soyez-en véritablement remerciés.

Le texte issu de la commission mixte paritaire propose un très bon équilibre. Il maintient une architecture de la gestion des risques climatiques en trois étages. Le premier étage relève de l'agriculteur, jusqu'à la franchise. Le deuxième étage relève de l'assureur ; à cet égard – le projet de loi le précise dorénavant clairement –, l'objectif est d'utiliser au maximum les outils du règlement européen « omnibus », mais aussi la subvention des primes et les seuils les plus attractifs possibles pour les agriculteurs. Le troisième étage, qui relève de l'État, est celui du seuil de perte. Voilà l'architecture de la refonte de l'assurance climatique. Si vous adoptez ce projet de loi et que vos collègues du Sénat font de même, dans quarante-huit heures, nous aurons les fondations de cette nouvelle maison – la refonte de l'assurance et de la couverture des risques climatiques.

J'avais pris, devant vous, l'engagement de mener ce projet de loi à son terme avant la fin de la législature. Ainsi, cette nouvelle architecture sera appliquée dès le 1er janvier de l'année prochaine. Elle nécessitera le vote de crédits lors des prochaines lois de finances, même si la loi indique d'ores et déjà un objectif de 600 millions d'euros, conformément à l'engagement du Président de la République.

Il restera en revanche à peaufiner les détails mais des détails très importants puisqu'il s'agit de l'ensemble des dispositifs et des critères prévus par cette réforme. Il faudra en outre, ce qui à mes yeux est indispensable, préciser ce fameux article 7 concernant la régulation et le pool de mutualisation. Enfin, il faudra parachever l'ensemble des dispositions visant à l'application de la réforme. Bref, vous le voyez, le travail est encore long mais la présente étape était essentielle et le vote de ce soir fera date. J'ai ainsi eu l'occasion, déjà, de vous le dire : quand je compare la politique agricole espagnole avec la politique agricole française, je relève que mon homologue s'appuie sur deux politiques, la politique agricole commune (PAC) et la gestion des risques climatiques. Or, avec le présent texte, avec la refonte qu'il prévoit, nous dotons notre politique agricole d'un outil incroyablement précieux pour les décennies à venir.

Je viens de saluer le travail parlementaire, je tiens également à saluer celui de mes services et celui de mes collègues du ministère de l'économie, des finances et de la relance, sans lesquels la réforme n'aurait pas été possible. Je mettrai la même détermination à la mettre en œuvre qu'à la défendre. Je me réjouis que cette ambition ait été partagée par la représentation nationale.

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