La proposition de résolution déposée par nos collègues de La République en marche est intéressante en ce qu'elle constitue par son article unique un appel à favoriser l'accès universel à la vaccination et à l'augmentation des capacités de production.
Cet appel soutient les efforts pour améliorer l'accès à la vaccination notamment par le biais de l'initiative « Santé + » de la Commission européenne, faire partager cette position dans les négociations mondiales et, in fine, consacrer les vaccins comme des biens publics mondiaux.
Dès novembre 2020, les députés du groupe Socialistes et apparentés avaient déposé une proposition de résolution visant, entre autres, à ce que la France propose de définir le vaccin comme un « bien commun universel ». Ce texte affirmait que des discussions devaient être engagées sur la coopération internationale à mettre en œuvre au bénéfice des pays les plus pauvres. En mai 2020, le Président de la République avait déjà, s'agissant du vaccin, annoncé s'engager à « le rendre disponible, accessible et abordable pour tous ».
La Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, dite convention d'Oviedo, dispose dans son article 3 : « Les parties », en l'espèce les États, « prennent, compte tenu des besoins de santé et des ressources disponibles, les mesures appropriées en vue d'assurer, dans leur sphère de juridiction, un accès équitable à des soins de santé de qualité appropriée. » Cette convention internationale est l'unique instrument juridiquement contraignant, relatif à la protection des droits de l'homme dans le domaine biomédical. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), auprès de laquelle j'ai l'honneur de représenter notre assemblée, s'est déjà prononcée en faveur d'une recommandation sur la nécessaire répartition entre pays et au sein d'un même pays, entre les publics prioritaires et les autres.
Les crises sanitaires actuelles doivent constituer l'occasion de repenser nos priorités non seulement sociales mais aussi économiques. C'est pourquoi je souhaite ici, monsieur le secrétaire d'État, faire trois observations éclairant l'objet de la proposition de résolution.
La première concerne la place et le rôle des États dans la stratégie de recherche sur les vaccins et les traitements, ainsi que leurs relations avec les grandes entreprises du médicament. La communauté internationale ne peut laisser les seules multinationales conserver les fruits d'une recherche largement financée par les crédits publics – la recherche publique – et les deniers sociaux – l'assurance maladie. Dans notre monde, selon plusieurs études, les contribuables financent la recherche sur les médicaments à hauteur d'environ 75 % à 80 %, puis les États laissent de grandes entreprises transnationales utiliser les bénéfices pour racheter leurs propres actions. Ces pratiques portent sur des dizaines de milliards de dollars ou d'euros. L'État doit réagir, en lien avec ces grandes entreprises, et mieux gouverner les brevets sur les vaccins et les médicaments en vue d'assurer le bien public.
Comme l'explique l'économiste Mariana Mazzucato, il y a diverses façons de mener un partenariat public-privé. Il peut y avoir une négociation entre des pouvoirs publics, des chercheurs et une entreprise privée. Les connaissances créées peuvent être partagées plus largement, avec des brevets plus faibles pour les seuls exploitants. En tout cas, il existe différentes façons de faire et certaines sont meilleures que d'autres pour les gens du monde entier. En définitive, la mission n'est pas seulement de fabriquer le vaccin : elle est de vacciner tout le monde.
Ma deuxième observation reprend la demande d'un accès équitable aux vaccins. Si les pays les plus riches ont subi des retards de livraison, cela veut dire que les pays aux revenus les plus faibles ont vu leurs perspectives d'accéder aux vaccins se tendre bien davantage. Le directeur général de l'OMS avait pourtant rappelé que, plus nous attendrons pour fournir des vaccins, des tests et des traitements à tous les pays, plus vite le virus prendra le dessus en mutant, l'émergence de nouveaux variants risquant de rendre les vaccins actuels inefficaces. Il nous faut donc mieux partager pour mieux nous protéger.
Ma troisième et dernière observation porte sur l'accès équitable aux vaccins et l'acceptation de la vaccination par les populations, qui passent par la mise au point de stratégies de vaccination. Les instances internationales publiques ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG) doivent être pleinement associées à la définition de ces stratégies prévoyant des conditions d'achat, de programmation, de stockage, d'allocation et de distribution de vaccins. Le débat public et le contrôle effectué devant l'opinion sont de nature à rendre transparente la gestion de ce bien public et à faire comprendre que nous sommes engagés en faveur d'une diffusion équitable, de conditions de sécurité élevées pendant la mise au point et d'un suivi rigoureux de la santé de la population mondiale.
Ce texte a le mérite de lancer un signal à l'intention de nos concitoyens, de l'opinion publique, des autres États et des organisations internationales. Il porte un message qui va dans le sens d'une reconnaissance des vaccins et des médicaments comme des biens publics indispensables pour rendre notre monde plus sûr et plus solidaire. Nous voterons donc avec force en faveur de cette proposition de résolution.