L'alinéa 12 de l'article unique est désormais ainsi rédigé : « Souhaite que la France continue d'apporter son soutien à une réponse commerciale globale pour assurer un accès universel et équitable aux produits de lutte contre la covid-19 ». En étant un peu sévère, je dirais que c'est une proposition de résolution pour que la France continue. Mais je ne le ferai pas. Certains collègues ont exprimé leur déception. J'imagine qu'ils auraient, eux aussi, préféré la première version.
Cet important débat illustre nos difficultés à nouer de nouveaux rapports avec les pays du continent africain. Le 14 décembre dernier, le directeur général de l'OMS déclarait : « Si nous mettons un terme à l'inégalité (vaccinale), nous pouvons mettre fin à la pandémie. Si nous permettons à cette inégalité de persister, nous permettons à la pandémie de perdurer. » Voilà le nœud d'un problème assez simple : hors de la levée des brevets, point de salut au niveau mondial, car nous serons toujours à la merci de nouveaux variants.
Or 74 % de tous les vaccins distribués en 2021 ont été destinés à des pays à revenu élevé ou intermédiaire supérieur, tandis que moins de 1 % d'entre eux sont parvenus aux pays les moins avancés. Le continent africain représente près de 20 % de la population mondiale mais seulement 3,5 % des doses administrées depuis le début de la pandémie. Plus d'un an après le début de la campagne vaccinale mondiale, la population africaine n'est pleinement couverte par la vaccination qu'à la hauteur de 11 %.
Derrière les discours et les propositions de résolution, il faut donc plus d'actes et une plus grande ambition face aux grands laboratoires pharmaceutiques qui ont engrangé quelque 34 milliards d'euros de bénéfices, comme l'ont rappelé plusieurs collègues, et qui ne semblent guère tendre naturellement vers une démarche de partage.
En mai 2020, le Président de la République, Emmanuel Macron, disait qu'il fallait faire du vaccin contre la covid-19 « un bien public mondial » qui « n'appartiendra à personne, mais nous appartiendra à tous ». Le 10 juin 2021, le même Emmanuel Macron décrivait une méthode : « Ce qu'il nous faut donc faire, c'est accélérer les transferts de technologie et la mise en capacité de tous les pays qui le peuvent dans les régions les plus pauvres ou à revenus intermédiaires pour produire. » Nous sommes en février 2022. Oui, il faut vraiment accélérer ! Il faut accélérer les transferts de technologie vers les sites de production opérationnels qui existent en Afrique.
Alors qu'un sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine s'est tenu en fin de semaine dernière, alors que nous nous interrogeons depuis des années sur la façon de changer nos relations avec les pays africains et d'écrire une nouvelle histoire commune, commençons par ne pas laisser un continent entier à la merci d'un virus sous prétexte de brevets et de propriété intellectuelle. Oui, le vaccin, la santé doit être un bien public mondial.
Sans même parler ici de l'humanisme qui doit nous animer, la raison nous conduit à regarder, s'agissant des vaccins, la question de la propriété intellectuelle sous un éclairage nouveau, car aucun pays n'est protégé si d'autres restent à la merci de nouveaux variants. Nous le savons désormais, la pandémie de covid-19 n'est malheureusement pas un événement ponctuel et l'état de notre planète nous promet d'autres épidémies dans les années et les décennies qui viennent. La levée des brevets est donc, comme le renforcement des systèmes de santé partout dans le monde – qui est désormais une priorité de notre aide publique au développement –, un enjeu de sécurité sanitaire mondiale.
Mais c'est un travail au long cours. C'est pourquoi nous devons dès à présent tenir nos engagements de dons de doses en attendant que les capacités de production locale soient assurées. C'est à la fois bien sûr une responsabilité et un devoir.