Intervention de Anne Genetet

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Dénonciation du coup d'État militaire en birmanie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Genetet :

Nous sommes réunis cet après-midi pour évoquer ensemble, à travers cette proposition de résolution, la situation de la Birmanie. Mon collègue Michel Herbillon et moi-même sommes les initiateurs de ce texte transpartisan qui associe désormais 500 députés cosignataires, tous groupes politiques confondus, que je salue.

Pourquoi un tel intérêt de notre assemblée pour ce qui se passe en Birmanie, un pays loin de chez nous, dont on parle malheureusement trop peu et que nos compatriotes connaissent mal ? Il se trouve que la Birmanie est un des quarante-neuf pays qui composent ma très large circonscription, laquelle s'étend de l'Ukraine à la Nouvelle-Zélande. Après des décennies de dictature militaire, ce pays s'était engagé depuis 2010 sur un chemin de transition démocratique, un processus fragile mais soutenu par les Birmans qui, lors des élections générales du 8 novembre 2020, ont choisi de donner une victoire écrasante à la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix.

Le 1er février 2020, la Birmanie a vu son destin basculer quand les forces de sécurité birmanes, parce qu'elles étaient incapables d'accepter le résultat de ces élections libres, ont choisi de mener un coup d'État contre le gouvernement civil élu, d'arrêter des centaines de personnes, dont le Président de la République U Win Myint et la conseillère d'État Aung San Suu Kyi, et de réprimer par la force et la terreur, et dans le sang, tous ceux qui contestent, encore aujourd'hui, leur autorité.

Et tant pis pour les Birmans tués, emprisonnés ou persécutés, tant pis pour les sanctions internationales qui s'accumulent, tant pis si l'État birman est en situation de faillite, tant pis si la Birmanie est mise au ban de l'ASEAN, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. Et tant pis si le pays est désormais déchiré par une guerre civile qui menace la sécurité de toute la région.

Ce drame démocratique, humain et sécuritaire doit nous interpeller, en tant que représentants de la nation, et ce pour plusieurs raisons : tout d'abord parce que la défense de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme est consubstantielle à notre identité française ; ensuite parce que, à travers ce coup d'État, c'est le droit d'un peuple à disposer de lui-même qui a été bafoué par l'armée birmane ; mais aussi parce que nous connaissons trop bien le prix du sang pour ne pas nous ériger contre la barbarie ; enfin parce que la France, puissance de l'Indo-Pacifique, ne doit pas rester inactive.

C'est pourquoi, le 1er février dernier, Michel Herbillon et moi-même avons souhaité marquer ce terrible anniversaire en déposant cette proposition de résolution portant sur la dénonciation des faits et conséquences du coup d'État militaire du 1er février 2021 en Birmanie.

Nous nous sommes donné du temps pour écrire ce texte. Il s'est nourri de nos rencontres et de nos échanges avec de nombreux acteurs : notre ambassadeur resté sur place, Christian Lechervy, que je tiens à saluer car, avec les autres agents, il mène sa mission de manière remarquable et admirable ; les Français de Birmanie, dont nombre ont été contraints de quitter le territoire pour leur sécurité ; les démocrates birmans, qui se sont organisés en constituant le Comité représentant l'Assemblée de l'Union – le CRPH – et le Gouvernement d'unité nationale (GUN), qui comprend des parlementaires birmans démocratiquement élus, des membres de groupes ou partis ethniques et les principaux représentants des manifestations contre le coup d'État ; les Birmans de France qui souffrent tant de voir leur pays sombrer.

Mais je veux aussi citer nos discussions avec les autres parlementaires – je pense notamment à mon collègue Alain David, président du groupe d'amitié France-Birmanie, très investi dans ses fonctions et que je salue, ou encore à ma collègue Mathilde Panot, qui m'a fait savoir combien la situation des minorités ethniques et religieuses, notamment des Rohingyas, la préoccupait – une inquiétude que je partage.

La représentation nationale française qu'incarne notre assemblée a aujourd'hui la possibilité de remplir son devoir. Celui-ci consiste à mettre en lumière, à dénoncer et à condamner les exactions menées par la junte jusqu'à ce qu'elles cessent, mais aussi à exprimer, au nom du peuple français, le soutien fraternel et sans faille de notre pays au peuple birman ainsi qu'à ses représentants légitimement élus.

Je terminerai cette intervention sur une note d'espoir : oui, la Birmanie vit des épreuves terribles. Mais elles ont uni comme jamais les Birmans, par-delà les ethnies, les croyances, les préjugés et les différences, au nom d'un but commun : reconquérir leur pays et reprendre leur destin en main. Victor Hugo, dans Notre-Dame de Paris, écrivait : « Le temps est l'architecte, le peuple est le maçon. » La Birmanie renaîtra. Ce n'est qu'une question de temps.

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