Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Dénonciation du coup d'État militaire en birmanie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Fille d'Asie, la Birmanie est sœur de l'Inde, du Bangladesh, de la Chine, du Laos et de la Thaïlande ; sa position géographique, véritable carrefour culturel, fait d'elle l'un des pays parmi les plus riches ethniquement au monde avec ses 135 peuples qui parlent une centaine de langues ou de dialectes différents. La Birmanie, c'est aussi des paysages à couper le souffle où le voyageur se laisse emporter à travers les villages lacustres du lac Inle, la sublime et majestueuse pagode de Yangon et les plages du sud bordées de cocotiers. On a peine à imaginer que, sur ce sol empreint de spiritualité, une guerre fratricide est menée. Et pourtant !

Après l'indépendance acquise auprès de l'Angleterre en 1948, l'armée nationale était la seule institution assez forte pour imposer son autorité sur un pays divisé. Depuis plus de cinquante ans, une série de dictatures militaires se succèdent d'une façon ou d'une autre, et avec elles déferlent vagues de massacres, de représailles et de privations de libertés.

Il est vrai qu'un espoir était déjà né quand le parti d'opposition, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), mené par Aung San Suu Kyi, avait remporté les élections législatives en mai 1990, avec plus de 80 % des voix.

Surprise, la junte militaire a tout simplement invalidé les élections.

La médiatisation de la fille du héros national Aung San, très populaire depuis son prix Nobel de la paix, a fait de la « Lady » le porte-étendard de la démocratie. À qui, d'ailleurs, l'Occident a tourné le dos après la crise terrible des Rohingyas et la répression violente dont ils sont les victimes.

Une démocratie qui n'a jamais véritablement existé, il faut le dire, malgré l'arrivée au pouvoir de la LND en 2016, mais qui permettait tout de même un certain équilibre entre les démocrates et la junte. En dépit de l'arrivée de plusieurs centaines de députés au Parlement, l'armée est restée aux commandes du pays, puisqu'elle contrôlait les pouvoirs régaliens. Un partage des pouvoirs qui n'a malheureusement pas permis de mettre fin au martyre des minorités, qui, brûlées, torturées, abattues, n'en finissent pas d'agoniser.

Le 1er février 2021, la junte déploie des troupes et des véhicules blindés, arrête la cheffe du gouvernement civil, Aung San Suu Kyi, ainsi que le Président de la République, et retrouve ainsi les pleins pouvoirs, tout en poursuivant les exactions, ouvrant par la même occasion plusieurs fronts.

En premier lieu, celui des armées ethniques, qui ont repris les armes pour éviter le nettoyage ethnique des leurs, soutenues par de nombreux civils issus de ces minorités, qui, jusque-là, n'avaient pas pris les armes.

Le second, celui des militants « prodémocratie », essentiellement des Birmans favorables à Aung Sun Suu Kyi, qui ont rompu avec les manifestations pacifiques tant la situation n'est plus tenable.

Enfin, et c'est l'élément nouveau depuis l'indépendance du pays, élément qui en dit long sur la situation dramatique dans laquelle est plongée la Birmanie, des Birmans, c'est-à-dire des personnes issues du peuple au pouvoir, s'engagent à leur tour dans la résistance et mènent des actions de guérilla contre le pouvoir en place jusque dans les grandes villes birmanes telles que Mandalay, Rangoun ou Naypyidaw.

Dans un tel contexte, la junte est plus que jamais sous tension, et ce d'autant plus qu'une immense partie de la population birmane et des diasporas birmane et ethniques soutiennent financièrement la lutte contre l'armée birmane.

Si l'on peut saluer la proposition de résolution que nous examinons, les hommes, les femmes et les enfants de Birmanie attendent plus de la part de la communauté internationale. Et la France, je le crois, peut – et même doit – jouer un rôle, quand bien même nous ne sommes pas le partenaire privilégié de la Birmanie.

Car l'heure est grave, notamment pour les minorités ethniques des Karens et des Karennis, qui sont la cible de persécutions croissantes. Des populations entières ont dû prendre la fuite dans les montagnes thaïes, des enfants souffrent de la faim et des familles entières manquent d'accès aux produits d'hygiène les plus élémentaires.

Face à cela, la France doit ouvrir une voie diplomatique, notamment avec la Chine, qui a la mainmise sur toute la région et qui équipe en armes aussi bien la junte que les milices ethniques.

Par ailleurs, il me semble indispensable que la France s'engage en envoyant sur place des émissaires, pour sensibiliser la communauté internationale sur la situation concrète du pays. Cela pourrait être une occasion pour l'Union européenne de s'impliquer, afin de permettre l'émergence d'un État démocratique fédéral stable et respectueux des peuples qui composent la Birmanie.

Soucieuse d'alerter la France mais aussi la communauté internationale sur le drame birman, je voterai donc cette proposition de résolution,…

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