Intervention de Clément Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Dénonciation du coup d'État militaire en birmanie — Discussion générale

Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes :

Madame Genetet, monsieur Herbillon, je tiens à saluer le travail que vous avez mené en commun, autour duquel un large consensus a été construit sur cette question grave, qui mérite en effet, à travers l'expression de la représentation nationale et du Gouvernement, une position nette de la France. Je crois que cette proposition de résolution fait honneur à votre assemblée et honneur à notre pays.

Si ce texte est adopté – et nous soutiendrons évidemment cette position –, il sera un témoignage supplémentaire de notre solidarité avec le peuple de Birmanie, confronté à des moments d'une extrême gravité, victime de la violence aveugle de l'armée birmane.

Comme elle l'a exprimé à de nombreuses reprises, à titre national ou avec ses partenaires européens, la France reste très préoccupée face à la crise que traverse la Birmanie. Plus d'un an après le coup d'État du 1er février 2021, qui a écarté un gouvernement civil issu des élections libres et équitables du 8 novembre 2020, et représentatif en cela de la volonté du peuple birman, le pays semble s'enfoncer chaque jour davantage dans une spirale de violences. La répression féroce organisée par les forces de sécurité, marquée notamment par la disproportion des moyens employés – du matériel de guerre contre des manifestants pacifiques –, n'a cependant pas réussi à éteindre la résistance au coup d'État et à la dictature.

Le courage du peuple birman, qui exprime ainsi avec force son attachement à la démocratie, a trouvé une illustration supplémentaire lors de la manifestation silencieuse qui a marqué le premier anniversaire du coup d'État du 1er février, manifestation très suivie sur l'ensemble du territoire. Rendons hommage à ce courage, qui justifie cette proposition.

La France et l'Union européenne ont affirmé à de multiples occasions que le régime issu du coup d'État ne disposait d'aucune légitimité. C'est une position que nous tenons avec constance et fermeté depuis le début de cette crise. Notre soutien collectif est d'autant plus crucial que la situation humanitaire dans le pays est totalement alarmante. Ce sont désormais plus de 440 000 personnes qui sont déplacées en raison des violences, un chiffre en augmentation de 33 % entre décembre 2021 et février 2022.

Les exactions des forces de sécurité vont toujours plus loin dans l'horreur. Comme la France l'a rappelé, nous condamnons avec la plus grande fermeté les multiples violations du droit international humanitaire, dont le massacre de trente-cinq civils, la veille de Noël, dans l'État de Kayah, et la destruction par le feu, ces dernières semaines, de centaines de demeures dans le nord-ouest, qui en sont de nouvelles illustrations tragiques.

Pour toutes ces raisons, la France s'est mobilisée dès le premier jour afin d'apporter une solution à cette crise, en plaidant avec force pour que la communauté internationale s'exprime à ce sujet d'une voix unie.

C'est tout d'abord ce que nous faisons au sein des instances internationales. L'Assemblée générale des Nations unies a adopté deux résolutions sur la situation birmane : la première, en juin 2021, qui appelle tous les États qui ne l'auraient pas encore fait à mettre en place un embargo sur les livraisons d'armes à destination de la Birmanie ; la seconde, en novembre 2021, adoptée pour la première fois à l'unanimité. Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est, quant à lui, exprimé dans plusieurs déclarations de sa présidence, dont la dernière, le 2 février dernier. C'est un message clair adressé au régime issu du coup d'État et le signe, en soutien au peuple birman, que cette situation continue de faire l'objet de notre attention et de notre condamnation.

À titre bilatéral, nous entretenons un dialogue nourri avec nos partenaires au sujet de la Birmanie, en particulier – vous l'avez rappelé, monsieur Herbillon – avec les pays de l'ASEAN. Nous considérons que l'action de cette organisation dont la Birmanie fait partie est essentielle pour la résolution de la crise. Cette organisation s'est engagée avec détermination, en acceptant pour la première fois de s'impliquer dans une crise politique de l'un de ses membres. La fermeté de la position de l'ASEAN sur la participation de la Birmanie à ses réunions, qu'elle a encore démontrée la semaine dernière, montre que cette organisation et ses États membres ont pleinement à cœur de jouer leur rôle.

C'est le message que le ministre Jean-Yves Le Drian a fait passer lors de ses très récents entretiens bilatéraux avec ses homologues cambodgien – dont vous avez rappelé le rôle –, indonésienne, singapourien et thaïlandais, et, encore cette semaine, lors de contacts à l'occasion du forum sur la coopération dans l'Indo-Pacifique.

Soutenir la population birmane constitue évidemment la priorité de notre action. C'est pourquoi nous avons maintenu, malgré les difficultés, notre aide humanitaire. Vous avez aussi rappelé, et je vous en remercie, le rôle exceptionnel – et souvent le courage, compte tenu des circonstances – de notre personnel diplomatique, qui fait aussi honneur à notre pays.

Cette aide humanitaire s'est élevée à 5 millions d'euros en 2021. Nous sommes en train de définir les montant précis pour 2022 ; ceux-ci seront à la hauteur. Ils s'ajouteront aux 24,5 millions d'euros mobilisés par l'Union européenne pour répondre aux besoins des plus vulnérables dans le pays. En outre, la France va également envoyer cette année à la Birmanie, par l'intermédiaire de Covax dont nous parlions il y a un instant, plus de 1,2 million de doses de vaccin.

La France a joué un rôle moteur dans la réponse globale de l'Union européenne, non seulement sur le plan humanitaire mais également par l'adoption de trois volets de sanctions en 2021, ciblant un total de vingt-neuf individus, dont le commandant en chef des forces armées birmanes et son adjoint, six entités économiques, dont les deux principaux conglomérats du pays, et les trente-quatre filiales détenues à plus de 50 % dans des secteurs clés de l'économie comme les pierres précieuses, la finance ou le commerce.

En réponse à l'intensification des violences, qui ont franchi un nouveau palier, un quatrième volet de sanctions, d'une ampleur inédite, a été adopté par le Conseil des affaires étrangères, ce lundi même. Il cible un total de vingt-deux individus supplémentaires, parmi lesquels des généraux directement impliqués dans les exactions commises dans le sud-est et le nord-ouest du pays, et quatre entités économiques fournissant des ressources financières et matérielles à la junte.

Notre position est très claire depuis le début de la crise : les sanctions adoptées par l'Union européenne visent à maintenir la pression sur le régime militaire et les responsables du coup d'État et de la répression, en affectant directement leurs intérêts – en particulier financiers ; dans le même temps, il s'agit de minimiser les conséquences de ces sanctions sur la population civile, en les accompagnant de l'aide humanitaire. Ces sanctions ont été progressivement alourdies à mesure que la situation s'aggravait. Nous n'hésiterons pas à en prendre de nouvelles si cela s'avérait nécessaire.

Dans le même esprit, nous avons évidemment décidé de suspendre tout soutien budgétaire aux programmes gouvernementaux et sommes convenus au niveau européen de continuer à évaluer l'ensemble des outils, y compris en matière de préférences commerciales.

Au sujet du soutien aux représentants légitimement élus du peuple birman et à tous ceux qui se montrent attachés plus largement à l'instauration d'un État libre démocratique en Birmanie, notre position est simple : il faut qu'ils bénéficient d'une plateforme politique.

Nous saluons à ce titre le fait que des représentants du Gouvernement d'unité nationale aient pu s'exprimer ici, à l'Assemblée nationale, en juin 2021, et au Sénat ce mois-ci. Cela ne signifie pas, monsieur le député Lecoq, que la France modifie sa position générale : nous ne reconnaissons pas par principe des gouvernements mais des États. Outre la question que vous avez rappelée, il y a aussi un consensus européen sur ce sujet, c'est ce qui nous a conduits à maintenir à ce jour cette position. À ce stade, aucun État n'a reconnu le Gouvernement d'unité nationale mais, pour la France, ce gouvernement comme le CRPH doivent faire partie du processus politique de dialogue que nous continuons d'essayer d'encourager par tous les canaux et qui seul permettra une sortie de crise avec la pression que nous exerçons. Nous ne ménagerons pas nos efforts pour l'affirmer publiquement ni pour amener l'Union européenne à le faire conformément à sa déclaration du 30 avril 2021.

C'est pour l'ensemble de ces raisons, compte tenu de la gravité du moment que vit la Birmanie, compte tenu du nécessaire soutien de la France, qui nous engage et nous rassemble, que le Gouvernement vous remercie à nouveau, mesdames et messieurs les députés, madame Genetet et monsieur Herbillon en particulier, pour cette proposition de résolution, sur laquelle le Gouvernement exprime une position favorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.