Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Certification européenne du sel biologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Ce texte m'inspire deux réflexions. Sur le fond d'abord, il est motivé par le risque d'une banalisation du label bio, qu'une réglementation européenne voudrait aveuglément attribuer à toutes sortes de chlorure de sodium. Voilà qui ferait le bonheur des polémistes et autres eurosceptiques, si prompts à dénoncer le caractère totalitaire de la machine administrative européenne.

Pour ma part, fervent défenseur de l'Europe, je me rappelle que sa devise est « Unis dans la diversité ». L'Union est indispensable pour chacun de ses membres. La crise sanitaire nous a permis de le mesurer dans le domaine de l'acquisition des vaccins, mais c'est aussi vrai s'agissant de la gestion de la dette et, à présent, pour affronter la crise ukrainienne. Mais l'Union ne peut résister aux épreuves, aboutir à des choix partagés par chacun, que si elle s'accommode des identités singulières et respecte la diversité. C'est le message que nous envoyons à Bruxelles à travers ce texte : « Agis conformément à ta devise. »

Le thème de cette résolution, le sel, m'inspire une seconde réflexion. Devant le caractère insipide de certains de nos débats, n'est-il pas urgent de remettre une pincée de sel dans notre fonctionnement démocratique ? Lorsque j'ai pénétré la première fois dans cet hémicycle il y a bientôt vingt ans, et plus encore lorsque je fus nommé rapporteur de la loi sur les OGM – texte polémique s'il en est –, j'avais l'impression d'être au cœur d'un cratère en éruption. Tout en blanchissant sous le harnais, j'ai vu peu à peu la lave se figer, le volcan se refroidir. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Ce n'est pas le talent des acteurs de la scène politique que nous sommes qui est en cause, et encore moins celui des fonctionnaires de l'Assemblée, que le président Ferrand a salués hier et que je veux remercier à mon tour, et plus spécialement ceux qui sont chargés de la rédaction du compte rendu. De leur plume sortent des merveilles, pour rendre avec justesse et avec justice la vitalité des débats. Reconnaissons-le : leur talent rejoint celui des alchimistes sachant transformer le plomb en or. Mais pour être parfaitement exacts, leurs écrits ne devraient pas seulement préciser « Applaudissement sur les bancs du centre » ou mentionner les interruptions de M. Ruffin « Et Josette ? Que répondez-vous à Josette ? ». En vérité, il faudrait ajouter : « Les députés tapotent nerveusement sur leurs smartphones », ou encore : « Les ministres consultent leur compte Twitter ». En outre, seul un règlement charitable nous évite le décompte des bâillements.

Poussons la caricature : qui pourrait imaginer les pensionnaires de la Comédie française monter sur les planches avec leur smartphone, consulter leurs courriels ou commander une pizza en attendant de donner la réplique à M. Jourdain ? Quitte à paraître vieux jeu, je rappelle que j'ai connu cet endroit sans autre possibilité de communication que les billets passés grâce aux huissiers, car les téléphones étaient brouillés. Je l'avoue : les délibérations étaient tout aussi longues, mais autrement plus prenantes.

Hier soir, nous avons adopté un texte pour protéger les enfants contre les violences de la toile. N'est-il pas temps de nous appliquer à nous-mêmes ces bons principes et d'éliminer ce qui perturbe nos débats ? Aurions-nous oublié que nous sommes ici dans le lieu le plus sacré de la démocratie française ? Le philosophe René Girard a écrit de belles pages sur la place du sacré dans une société, et plus précisément sur l'importance des rituels qui l'entourent.

Ces rites permettent à un peuple frappé par les drames de surmonter ses peurs et de se ressouder autour des symboles qu'il partage ; ce faisant, il peut aller jusqu'à désigner des victimes expiatoires parmi l'élite. Cela rappelle 1789 ou, plus près de nous, les gilets jaunes.

Ainsi, je souhaite ardemment que la XVIe législature soit l'occasion de restaurer le caractère exceptionnel et unique de cette noble assemblée, de remettre du sel dans nos disputes, et même d'y ajouter une bonne dose de piment – d'Espelette, évidemment, monsieur le président.

Pour clore mon propos, je voudrais partager avec vous cette phrase de Montesquieu, que le talent du sculpteur a représenté aux abords du Palais-Bourbon, nous regardant d'un air amusé : « Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie ; il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux. » Je dédie ces conseils à celles et à ceux qui se présenteront aux élections législatives, en leur souhaitant de puiser dans cette communion avec le peuple l'énergie nécessaire à un engagement sans réserve. Là se trouve le feu sacré, celui qui leur donnera la force de mettre leur vie et leur talent au service de la France.

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