Pardon, je m'égare… La cause en est, sans doute, la présence, dans ma circonscription, de tables étoilées et toquées !
Je reviens au sel bio pour saluer les professionnels au savoir-faire précieux qui assistent aujourd'hui à nos débats depuis les tribunes ! Héritiers méritants de lointains précurseurs, les saliculteurs façonnent leur terroir selon les impératifs du métier, lui donnent une forte valeur économique et, au fil des siècles, forgent une identité paysagère patrimoniale. Ils sont les acteurs de la protection et de la valorisation des marais salants de Guérande, de l'île de Ré, du marais breton, de Frontignan, d'Aigues-Mortes ou encore de Noirmoutier, dans ma circonscription.
Le terme de valorisation est d'ailleurs loin d'être anodin. La récolte manuelle du sel marin fait vivre aujourd'hui 600 petits producteurs, lesquels, indépendants ou regroupés au sein de coopératives, pratiquent une activité évidemment non délocalisable. Pour une activité artisanale comme celle-là, la seule façon d'exister sur le plan commercial est de pouvoir justifier un prix de vente supérieur à celui des produits industriels concurrents. Le label AB en est le garant. Or ce à quoi nous sommes invités aujourd'hui, chers collègues, c'est précisément à défendre ce patrimoine.
Récapitulons. Le règlement européen du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques est entré en vigueur le 1er janvier dernier. Il a vocation à s'appliquer à la production de sel biologique et devait initialement consacrer la récolte du sel marin comme la seule production réellement compatible avec les exigences de l'agriculture bio. Or, le 6 août 2021, l'EGTOP a considéré, dans son rapport, que la quasi-totalité des méthodes de production étaient éligibles au label bio. Ainsi, la Commission européenne s'apprête à publier un acte délégué d'extension de la certification. Dès lors, seront rendues éligibles la production de sels de mer lessivés – processus qui leur fait perdre leur teneur naturelle en magnésium, en calcium et en potassium – et l'extraction du sel gemme – qui nécessite des forages dans l'écorce terrestre et implique un usage peu rationnel de l'eau et de l'énergie. Or 80 % du sel ainsi produit est utilisé pour le dégivrage des routes en hiver. Du sel bio pour nos routes ? C'est bien là que le bât blesse !
Certes, face aux nombreuses critiques, le projet d'acte délégué a été suspendu dans l'attente d'un nouveau rapport d'évaluation des différents types de production de sel. Toutefois, cette tentative de dévitalisation de la notion de production biologique ne peut que nous interpeller. Il nous incombe de défendre une certification européenne exigeante. À cet égard, le sel a valeur de symbole car il cristallise les différentes dimensions de l'agriculture biologique, à la fois patrimoniale, historique, environnementale, culturelle et économique.
La présente proposition de résolution, cosignée par plus de 330 collègues, encourage le Gouvernement à endosser le rôle de garant du label biologique. Alors qu'elle occupe la présidence du Conseil de l'Union européenne, la France est d'autant plus légitime à jouer ce rôle que le label biologique y est né. Son utilisation par l'Union européenne ne doit en aucun cas signifier son affaiblissement.
Chers collègues, envoyons un message fort à l'Union européenne, au Gouvernement et à nos territoires ! Un vote unanime en faveur de la proposition de résolution constituerait une manifestation éclatante de notre engagement.