Toutefois, vous vous êtes souvent réfugié derrière l'idée qu'il n'y avait qu'une seule option, celle que vous aviez retenue – ou plus exactement, celle que le Président de la République venait d'annoncer à la télévision. Le débat public méritait d'être mené avec plus d'intensité et de hauteur de vue : le pays en avait besoin pour affronter la crise. La vitalité démocratique n'est pas la moindre des victimes de votre gestion sanitaire. Dès le départ, l'intendance s'est concentrée sur un faible nombre d'acteurs et de personnes, révélant un affaiblissement sans précédent de notre système démocratique. Le Parlement, les élus locaux, les partenaires sociaux, le mouvement associatif et la société civile ont été plutôt marginalisés dans les processus de décision. Vous mettiez déjà beaucoup d'ardeur à les contourner auparavant ! Dans un classement de l'état des démocraties publié la semaine dernière, le journal The Economist place la France en treizième position sur vingt-et-un pays d'Europe. Pas moins de douze projets de loi relatifs à l'état d'urgence sanitaire se sont succédé, étendant chaque fois les pouvoirs de police spéciale attribués au Gouvernement pour limiter l'exercice des droits et des libertés. Dans un rapport de 2021, le Conseil d'État nous a alertés sur les risques d'un état d'urgence à rallonge : « Sur le long terme, son usage est délétère : il […] restreint les libertés de façon excessive et altère, à terme, la cohésion sociale. » Ce n'est pas sans effets, dans l'immédiat et dans la durée.
La crise a confirmé une pratique du pouvoir verticale et sans partage, dont témoignent la multiplication des décisions prises unilatéralement en Conseil de défense sanitaire, l'instauration d'un Conseil scientifique qui ne rend compte qu'à l'exécutif, et le recours sans précédent à des cabinets de conseil privés se substituant à l'expertise publique. Tout cela doit nous interroger : la vie démocratique n'est pas un luxe, mais une nécessité.