Comme vous tous, chers collègues, j'ai une pensée émue pour la situation en Ukraine, et en particulier pour les enfants ukrainiens, qui ce matin n'ont sans doute pas pu aller à l'école.
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour l'examen en lecture définitive de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Ce texte nous revient après un rejet au Sénat. Je voudrais simplement tirer parti de cette intervention liminaire pour en rappeler les orientations fondamentales. Il repose sur trois piliers complémentaires, qui forment un ensemble équilibré : la prévention, l'accompagnement et la protection.
La prévention, d'abord, suppose la sensibilisation des élèves et de leurs familles, la formation des professionnels concernés et la mise en œuvre de mesures spécifiques au sein des établissements, travail que vous avez largement entamé, monsieur le ministre, avec le programme PHARE.
Ensuite, l'accompagnement des victimes, des auteurs et des témoins de faits de harcèlement scolaire repose sur la formation des parties prenantes, afin d'assurer la détection et le traitement précoce de ces situations. L'application de mesures et de protocoles définis dans chaque établissement doit permettre d'orienter les élèves qui le nécessitent vers différentes structures : les personnels médicaux et sociaux, les associations, parfois les forces de l'ordre et la justice.
Enfin, la protection contre le harcèlement scolaire repose sur la définition d'un droit à une scolarité sans harcèlement. Le texte détermine ainsi une obligation de moyens à la charge des pouvoirs publics afin de garantir l'exercice de ce droit. Les dispositions visant à réprimer la violation de ce dernier procèdent avant tout d'une démarche pédagogique. Le délit de harcèlement scolaire que nous introduisons dans le code pénal définit un interdit clair et compréhensible pour tous, ce qui est d'une importance particulière dans la mesure où il confère une protection à des enfants et à de jeunes adultes qui doivent être en mesure d'en saisir les enjeux.
Définir un interdit clair donne des droits à nos enfants, et j'ai la conviction qu'avoir connaissance et conscience de ses droits permet de libérer la parole de l'enfant ; or on sait combien la libération de la parole de l'enfant est importante dans une situation de harcèlement scolaire.
Parce que nous faisons le choix de la protection de nos enfants contre tous types de harcèlement dans le cadre scolaire, d'aucuns, notamment au Sénat, ont fait part de leur crainte de voir des enseignants victimes de recours abusifs, sur le fondement du délit de harcèlement scolaire dont l'article 4 prévoit la création. Je rappellerai d'abord que la suite donnée à toute plainte découle de l'appréciation souveraine du juge saisi au fond. De plus, force est de constater que les excès redoutés par certains sont déjà possibles, en particulier sur la base du délit de harcèlement moral ou, plus simplement, par des plaintes répétées auprès des chefs d'établissement ou des directions académiques.
De façon générale, je ne crois pas que le risque de procédures abusives justifie le refus d'une qualification pénale autonome. Plus fondamentalement, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne vise aucune catégorie particulière : elle ne saurait par conséquent s'analyser comme une manifestation de défiance à l'égard de qui que ce soit.
Un autre point de désaccord avec le Sénat concerne le statut du cyberharcèlement. Il me semble dangereux de présenter comme des réalités distinctes le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement : ce dernier n'est en effet qu'un moyen, pour les auteurs d'actes de harcèlement, d'atteindre leur victime. Le harcèlement scolaire est défini par la relation entre l'auteur et la victime, fondée sur la fréquentation d'un même établissement. Cette caractérisation permet d'inclure l'ensemble des manifestations du phénomène, qu'elles se produisent dans l'enceinte des établissements, aux abords de ces derniers ou dans le cyberespace. Nous prenons dans ce texte en considération les enjeux que soulève l'usage des communications électroniques dans les situations de harcèlement. Ces faits sont couverts par la définition précise du harcèlement scolaire que contient la proposition de loi, mais cette question fait aussi l'objet de dispositions spécifiques, qui imposent en particulier de nouvelles obligations aux plateformes.
Enfin, je mettrai devant leurs contradictions ceux qui, non sans une certaine mauvaise foi, laisseraient croire que le texte a une visée répressive. Plus répressif, dites-vous, il l'est en ce qu'il crée un délit ; mais vous plaidez pour des peines plus lourdes en vous fondant sur le motif des circonstances aggravantes.
Soyons clairs : ce délit, lié à une définition claire, permettra d'entraîner toute la société pour mieux protéger nos enfants.
Enfin, je souhaite profiter de cette lecture définitive pour saluer une nouvelle fois l'action des différentes parties prenantes impliquées dans la lutte contre le harcèlement scolaire : les services de l'éducation nationale, les établissements scolaires et les professionnels qui exercent en leur sein, les associations, les personnels médico-sociaux, les personnels de la justice et les forces de l'ordre. Pour conclure, je veux également remercier les parlementaires des différentes sensibilités, dont plusieurs propositions ont permis de préciser ou d'enrichir certains aspects du texte.
Lors de l'examen du texte en première lecture, je rappelais que l'école est à bien des égards le miroir de notre société. Il en découle une exigence de responsabilité de la part des représentants que nous sommes. Je crois que les échanges que nous avons eus, qui ont permis d'atteindre un large consensus, ont donné l'occasion à chacun de défendre sa position et d'être entendu.