L'école est le lieu de l'émancipation et de la construction des individus en tant que citoyens éclairés. C'est à l'école que les enfants acquièrent les connaissances et les savoirs qui leur permettront de se construire. C'est aussi à l'école qu'ils apprennent la sociabilité, le respect des autres et les valeurs fondamentales de la vie en société.
Seulement, l'école peut aussi être le lieu de bien des douleurs. Le harcèlement verbal et physique, la violence, l'humiliation, l'isolement, le dénigrement : voilà des comportements graves et intolérables que subissent les jeunes enfants à différents moments de leur scolarité.
Trop souvent, ceux qui souffrent de cette violence sont confrontés à l'incompréhension ou au silence. Beaucoup essaient de minorer, voire de cacher cette douleur. Il fallait d'abord comprendre et voir ce phénomène pour ce qu'il est : il repose sur des effets de groupe et un sentiment d'impunité. Il fallait – et il faut encore – déculpabiliser les victimes, à qui l'on a parfois pu dire que si elles subissaient des brimades, c'est qu'elles en étaient peut-être un peu responsables. Redisons-le clairement : la victime ne porte jamais en elle la source de son harcèlement.
Comprendre était la première étape ; protéger doit être la seconde. Aussi, nous devons faire preuve de lucidité : si cette proposition de loi ne permettra pas de mettre un terme au harcèlement scolaire, elle constitue un acte nécessaire pour mieux cibler, mieux nommer et mieux combattre ce fléau.
Le groupe Libertés et territoires regrette qu'un compromis n'ait pu être trouvé avec le Sénat, qui a finalement rejeté le texte. Nous le regrettons d'autant plus que plusieurs dispositions votées par la Haute Assemblée ont enrichi la proposition de loi. Il est dommage que ce désaccord se soit cristallisé autour de la création d'un délit spécifique de harcèlement scolaire. L'enjeu nous paraissait davantage du côté de l'échelle des peines qui, au terme de cette lecture, ne sera malheureusement pas suffisamment proportionnée. Nous le redisons : nous ne nous opposons pas à la création d'un délit spécifique de harcèlement scolaire – cela permettra de mieux l'identifier –, mais il ne constitue pas une fin en soi.
Selon nous, la prévention, la détection et l'accompagnement sur le temps long des élèves victimes sont le préalable et la priorité. La création du délit spécifique de harcèlement scolaire pourra éventuellement avoir un effet dissuasif, mais ne peut constituer une solution durable face aux carences des établissements dans leur devoir de protection des élèves. De même, nous considérons que la sanction pénale ne peut remplacer entièrement la sanction éducative.
Dans cette optique, nous saluons certaines mesures du texte, comme la possibilité d'offrir des CDI aux assistants d'éducation. Cette disposition, qui reprend ce que nous avions voté dans le cadre de la proposition de loi de Michèle Victory, donnera un peu de stabilité à des personnels en première ligne en matière de soutien aux élèves. Ce droit nouveau aurait pu être étendu aux AESH, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Nous le déplorons fortement au regard de leur rôle dans ce combat, d'autant plus que l'inclusion des élèves en situation de handicap passe nécessairement par la garantie d'un environnement bienveillant, exempt du harcèlement dont ils sont souvent les cibles.
Enfin, nous voulons vous exprimer notre regret sur le fait que les mesures sur le cyberharcèlement ne soient pas plus abouties. En effet, le harcèlement dépasse le simple cadre scolaire et prend des formes pernicieuses sur internet et sur les réseaux sociaux ; c'est probablement la forme la plus répandue aujourd'hui. Il aurait été pertinent de mieux contraindre les plateformes en ligne, qui favorisent le sentiment d'impunité. Nous considérons que ce domaine doit constituer un pan entier de la lutte contre le harcèlement et nous constatons que le texte ne répond pas à cette nécessité.
En tout état de cause, nous voterons de nouveau en faveur du texte. Je répète ma conviction : contre ce fléau qui touche trop de jeunes aujourd'hui, la prévention, la détection, l'accompagnement et l'écoute sont nos premiers outils pour réduire cette violence.
Pour cela, il faudra mieux former et sensibiliser la communauté éducative et la médecine scolaire, ce qui suppose davantage de moyens. Au regard des effets terribles que le harcèlement peut entraîner, notre engagement doit être, plus que jamais, continu et total.