Commençons par dire qu'en dépit de tous les désaccords et de toutes les invectives, rien n'est mieux partagé dans cet hémicycle que la tristesse et la révolte devant l'ampleur du harcèlement scolaire. Les estimations, si elles varient d'un organisme à l'autre, s'accordent au moins pour décrire son caractère massif, voire systématique : 5,8 % selon la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), soit 700 000 jeunes ; 22 % pour l'UNICEF, soit 2,6 millions d'enfants concernés. Il est donc question d'un à sept élèves par classe ; ce n'est pas rien.
Quand on confie ses enfants à l'école de la République, on attend qu'ils soient protégés, non seulement de la cruauté de leurs camarades, mais aussi des phénomènes de meute, qui peuvent transformer chacun d'eux en petits bourreaux. C'est ce qui fonde une société civilisée : la protection des plus faibles par le collectif.
Quelle société préparons-nous si nous ne sommes pas capables de donner cet exemple à nos enfants dès leur plus jeune âge, dès l'apprentissage de la vie en collectivité ? « L'école est le miroir de la société », a dit M. Macron. Si notre société est impitoyable, je refuse que l'école le soit aussi. Cette proposition de loi, dans son objet, est donc la bienvenue.
Pourtant, alors qu'on prétend empêcher des tragédies, j'ai l'impression d'assister à une farce un peu triste, à une pièce dont le troisième acte est semblable au premier : le retour à l'identique d'un texte pourtant maintes fois critiqué ici, et sagement amendé par le Sénat – une fois n'est pas coutume.