Intervention de Jean Castex

Séance en hémicycle du mardi 1er mars 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la décision de la russie de faire la guerre à l'ukraine

Jean Castex, Premier ministre :

La suite, vous la connaissez. Le 21 février, les masques sont tombés. La reconnaissance par le président de la Fédération de Russie des deux régions séparatistes de l'est de l'Ukraine, l'ordre donné aux forces russes d'occuper ces territoires, l'invasion de l'ensemble du territoire ukrainien depuis la Russie, la Crimée et la Biélorussie, constituent le premier acte de cette crise, qui sera sans doute longue. Vladimir Poutine a fait le choix de la guerre. Il a fait le choix de vouloir inverser le cours de l'histoire et de revenir sur les acquis qui avaient suivi la fin de l'Union soviétique. Il a pris prétexte de la situation dans la région du Donbass pour violer la souveraineté territoriale et chercher à renverser le gouvernement légitime d'un pays de 44 millions d'habitants. Face à cette agression inacceptable, il convient de réagir dans l'unité et dans la durée, à la fois pour soutenir nos amis ukrainiens et pour ne pas laisser cet acte de guerre sans réponse ni conséquence.

Nous devons pour cela, mesdames et messieurs les députés, nous appuyer sur quatre principes d'action. Le premier principe, c'est la fermeté. D'abord dans l'enceinte des Nations unies : la résolution présentée en urgence devant le Conseil de sécurité n'a pas été adoptée en raison du droit de veto russe, mais elle a permis de démontrer l'isolement de la Russie, de même que les échanges de l'Assemblée générale qui ont suivi et donné lieu à une condamnation ferme de la communauté internationale. Ensuite par la mise en place de plusieurs trains de sanctions que nous avons voulu prendre très rapidement. Le Conseil européen, sous présidence française, a ainsi approuvé, les 23, 25 et 27 février, trois paquets de sanctions. Ces mesures prises en coordination avec nos alliés couvrent un large éventail d'activités économiques russes.

Tout d'abord, nous avons décidé d'assécher la capacité de financement extérieur de l'économie russe. Depuis hier à quatre heures du matin, toutes les transactions avec les réserves de la Banque centrale russe sont interdites, et les avoirs de la Banque centrale russe détenus à l'étranger sont gelés. Cette mesure est complétée par l'interdiction imposée à la majorité des banques russes d'accéder à la messagerie de transmission des paiements SWIFT. Ce paquet de sanctions financières est inédit par son ampleur, et ses effets sont déjà palpables : le rouble a dévissé de près de 30 % à l'ouverture des marchés lundi matin.

L'Union européenne a également fermé l'intégralité de son espace aérien aux aéronefs et aux compagnies aériennes russes, y compris l'aviation d'affaires. En outre, les avoirs et les ressources économiques détenus et contrôlés par ceux sur lesquels s'appuie le pouvoir de Vladimir Poutine ont été gelés. Les personnes visées, très précisément 476 à ce jour, ne pourront plus accéder aux avoirs qu'elles détiennent dans les pays – dont, vous l'aurez noté, la Suisse – qui ont pris ces sanctions ; elles ne pourront plus non plus s'y rendre. Vladimir Poutine fait d'ailleurs partie de la liste des personnes sous sanctions, tout comme Sergueï Lavrov.

Par ailleurs, les différentes coopérations entre l'Union européenne et la Russie dans les domaines industriel, scientifique ou culturel sont suspendues. Le Conseil européen a également demandé la préparation d'un paquet de sanctions – ce sera le quatrième – contre la Biélorussie. Les échanges, mesdames et messieurs les députés, se poursuivent pour aller plus loin. Nous y sommes prêts. L'essentiel était d'agir rapidement et de bien cibler nos mesures pour qu'elles produisent un effet massif sur l'économie russe, à court terme bien sûr mais aussi et surtout dans la durée, quitte à les durcir encore par étapes au cours des prochains jours.

Évidemment, ces sanctions ne seront pas indolores pour nos économies européennes. Nous le savons et nous devons l'assumer, à moins de nous contenter de mesures sans réelle portée. Bien sûr, nous savons que la Russie arrêtera à son tour des contre-mesures. Mais nous y sommes prêts et nous allons accompagner nos concitoyens et nos entreprises afin qu'ils en encaissent au mieux les impacts économiques, notamment les probables tensions sur les approvisionnements et sur les prix de certains produits. À la demande du Président de la République, le Gouvernement prépare à cet effet un plan de résilience qui sera finalisé dans les tout prochains jours.

Je pense en particulier à certaines de nos filières industrielles et agricoles ; je pense aussi aux ménages en tant que consommateurs d'énergie, d'autant plus qu'ils sont déjà très affectés depuis plusieurs mois par un mouvement de hausse très puissant. Pour tous ces acteurs de notre vie économique et sociale, des mesures très fortes de protection ont déjà été prises depuis septembre dernier – vous avez eu à débattre de la plupart d'entre elles. Le bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie a ainsi permis de consacrer plus de 16 milliards d'euros à la protection de nos concitoyens et de nos entreprises face à la hausse que nous anticipions des prix de l'énergie. Ces mesures d'accompagnement et de protection seront prolongées et renforcées autant que nécessaire, sur la base des travaux en cours.

Mais c'est bien la Russie qui va souffrir le plus des conséquences de ces sanctions. La guerre unilatérale et injustifiée que Vladimir Poutine a déclenchée aura un coût indéniable pour lui et pour ses soutiens. De la fermeté, donc.

Le deuxième principe de notre action, c'est la solidarité avec le peuple et le gouvernement ukrainiens. Cette solidarité, le Président de la République en a réitéré l'expression au président Zelensky lors de leurs entretiens quasi quotidiens. Cette solidarité, nous l'exprimons symboliquement par le maintien de notre représentation diplomatique et par l'attention permanente que nous portons à nos ressortissants. À ce jour, ce sont environ un millier de nos compatriotes qui sont encore en Ukraine. Nous sommes en contact avec eux dans le cadre du dispositif mis en place sous l'autorité du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Des équipes consulaires ont été déployées aux postes frontières dans les pays limitrophes pour accueillir nos concitoyens qui veulent et peuvent quitter le pays. Hier, vous le savez, la possibilité de quitter Kiev par le sud leur a ainsi été signalée. Nous exprimons aussi notre soutien par un appui économique renforcé portant sur 300 millions d'euros d'aide immédiate. Nous soutenons également les forces armées ukrainiennes avec des livraisons de carburant et de matériel militaire, y compris d'armement, en lien avec nos partenaires européens. Nous continuerons de le faire aussi longtemps que nécessaire.

Nous nous préparons, au niveau de l'Union européenne, à faire face aux conséquences humanitaires de cette crise. Je pense évidemment, en particulier, à l'afflux de réfugiés, dont on peut craindre qu'il soit massif. Le mécanisme de protection civile de l'Union européenne a été activé. Dans ce cadre, 33 tonnes de matériel humanitaire parties de Paris sont déjà arrivées à la frontière ukrainienne ; les acheminements se poursuivront cette semaine, incluant de l'aide médicale. La France soutiendra aussi les pays frontaliers de l'Ukraine qui accueilleront les réfugiés. Nous proposerons, dans le cadre de la présidence du Conseil de l'Union européenne, qu'un dispositif de solidarité permette une juste répartition des efforts d'accueil de ces réfugiés entre les pays de l'Union. Je veux à ce stade aussi, pour m'en réjouir, souligner la forte mobilisation spontanée de nos concitoyens, des collectivités territoriales

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