Il faut ensuite admettre que le plus dur, pour le peuple ukrainien comme pour nous d'ailleurs, est devant nous, et que l'épreuve sera longue et pénible. Dans une de ses dernières allocutions, le général de Gaulle rappelait aux Français que la vie était un combat et que le succès coûtait l'effort. Nous y sommes. Comme il est peu probable que M. Poutine renonce malgré ses échecs initiaux, il va inévitablement passer à la vitesse supérieure en matière de recours à la violence, quitte à s'enfermer dans une impasse politique dont il sortira le moment venu – mais quand ? – inévitablement brisé. Les semaines, les mois, les années peut-être qui viennent seront pour le peuple ukrainien, engagé dans une longue et dure guerre d'endurance, particulièrement éprouvants et cruels. Pour nous, peuples de France et d'Europe, ce sera le moment de faire mentir Richelieu, qui nous disait incapables d'un effort de longue durée et d'encaisser stoïquement les sacrifices que nous imposera le maintien d'un régime de sanctions. Notre désir de vaincre est peut-être de retour mais il faut savoir que l'obtention de la victoire ne sera pour personne une partie de plaisir.
En 1995, j'ai entendu, au Parlement européen, François Mitterrand rappeler, dans un climat d'une ferveur inouïe, cette vérité qui aujourd'hui nous prend à la gorge : « le nationalisme, c'est la guerre ». Le nationalisme, c'est cette ambition fermée, autoritaire, prédatrice qui prétend faire fi de la volonté des peuples et que nous voyons tragiquement à l'œuvre aujourd'hui derrière les chars russes. Le nationalisme, comme Malraux l'avait magnifiquement proclamé dans son discours à la mémoire de Jean Moulin, c'est le pire ennemi de la nation, cette « donnée invincible et mystérieuse qui allait emplir le siècle », la nation, c'est-à-dire tout simplement le droit des hommes à vivre libres dans un État souverain.
Dans les combats d'aujourd'hui et dans le déchaînement de violences que tout laisse présager, le nationalisme, c'est Poutine, et la nation, le président Zelensky. L'homme qui veut des armes pour se battre et non un taxi pour s'échapper nous rappelle évidemment Churchill par son courage physique car il est une cible permanente pour celui dont, par sa seule parole, il défie le pouvoir et contredit l'ambition.