L'invasion brutale de l'Ukraine par la Russie, la semaine dernière, signe le retour de la guerre en Europe. La guerre retentit dans nos foyers comme un coup de tonnerre dans une journée de printemps, alors que nous pensions avoir instauré la paix entre les nations de notre continent depuis près de soixante-dix-sept ans. Alors que nous pensions pouvoir jouir des dividendes de la paix, après la chute du mur de Berlin, voilà que l'histoire – qui, par essence, n'est jamais finie – nous rappelle avec brutalité que nous sommes tous Ukrainiens. Il faut en comprendre les raisons, en gérer les enjeux immédiats et en anticiper les conséquences.
Lorsque la guerre surgit, c'est toujours un échec – en l'occurrence, l'échec est celui de la Russie, mais aussi celui de l'Occident, et par conséquent un peu le nôtre. Après 1990, nous avons construit l'Europe sur l'Union, sans apporter de réponse aux deux grandes nations qui se tenaient à nos portes : la Russie et la Turquie. Ces deux nations, l'une traitée comme une vaincue de la guerre froide, l'autre maintenue dans l'espoir vain d'une adhésion à l'Union européenne, ont ressenti l'humiliation de se voir astreintes à des obligations juridiques liées à des valeurs, alors qu'aucune association au partage de la prospérité commune ne leur était proposée. De cette humiliation sont nés des dirigeants et des politiques voulant restaurer la fierté des peuples et leur place dans l'histoire par la force des armes, tragique bégaiement du XX
Commençons toutefois par le court terme, c'est-à-dire par la gestion de la situation présente. En violant l'intégrité territoriale de l'Ukraine, la Russie a violé le plus sacré des principes du droit international : l'intangibilité des frontières. Quelque vision que l'on se forge de l'histoire et des liens qui ont uni le peuple russe avec le territoire ukrainien, rien n'autorise une nation à redessiner, par la force des armes, ses frontières ou celles de ses voisins, qu'elles soient terrestres ou maritimes – j'insiste sur ce dernier point, car d'importantes tensions se sont produites ces dernières années en Méditerranée, du fait de la volonté turque de modifier ses frontières maritimes, notamment avec la Grèce, pour prospecter des hydrocarbures.