Permettez-moi tout d'abord de vous prier d'excuser Jean-Yves Le Drian, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui se trouve aujourd'hui en Pologne avec ses homologues allemands et polonais pour s'entretenir de la situation. À bien des égards, la guerre lancée par Vladimir Poutine contre l'Ukraine condense dans un cauchemar nouveau plusieurs décennies de cauchemars européens. Le Premier ministre évoquait Budapest, Prague, et Christophe Castaner rappelait les événements affreux qui se sont déroulés il y a soixante-dix ans : au-delà de ces terribles échos, le choix de la guerre par Vladimir Poutine, qui est un choix prémédité, délibéré, illégal, injustifiable et irresponsable constitue de fait une rupture avec tous les principes et tous les engagements qui nous ont permis de nous arracher collectivement, décennie après décennie, à ce passé tragique depuis la Charte des Nations unies jusqu'à la Charte de Paris, en passant par l'Acte final d'Helsinki de 1975. En ce sens, le 24 février 2022 restera dans l'histoire, et au regard de l'histoire, comme le jour d'une régression majeure pour le droit international, pour la vie internationale : le jour où, en Europe, la Russie est revenue sur le primat du droit sur la force en violant le droit par la force, alors même qu'elle est membre du Conseil de sécurité des Nations unies ; le jour où la Russie a voulu anéantir la souveraineté d'un État, ce qui va à l'encontre du fondement même de l'ordre international bâti depuis soixante-quinze ans, comme l'a rappelé le président Bourlanges, et le jour où la Russie, en lançant une guerre contre 44 millions d'Ukrainiens, a affiché son mépris des droits humains les plus fondamentaux, les droits « à la vie, à la liberté, à la sûreté de sa personne » reconnus par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
Comme le Président de la République l'a dit, il s'agit d'un tournant. Ce tournant appelait une réaction sans faiblesse. C'est pourquoi la France a agi dans une unité parfaite avec les Européens, avec ses alliés. Cette unité fait notre plus grande force. Unis pour tenter par la diplomatie de tracer un chemin de désescalade, avec le Président de la République et avec le ministre de l'Europe des affaires étrangères, nous avons tout essayé. Il le fallait. Le Président de la République a conduit un effort diplomatique entièrement coordonné avec l'ensemble de nos partenaires, mais Vladimir Poutine a refusé la voix de la diplomatie. Il n'a pas tenu les engagements qu'il avait pris – le Premier ministre l'a rappelé –, il n'a pas honoré la signature de la Russie : il porte donc seul l'entière responsabilité de sa décision d'engager cette guerre.
À la demande du président ukrainien, le Président de la République maintient un canal de dialogue avec Vladimir Poutine, mais cela ne doit pas obérer, cela n'obère pas la fermeté déployée. L'unité, nous la retrouvons aussi dans la solidarité qui se manifeste avec l'Ukraine, une solidarité en actes. Florence Parly évoquait, à l'instant, la mobilisation de la facilité européenne pour la paix. Je veux citer l'aide économique sans précédent de 1,2 milliard d'euros, mais également l'aide humanitaire en direction de l'Ukraine, pour laquelle le ministère de l'Europe et des affaires étrangères agit.
La France mobilise 100 millions d'euros au profit des populations victimes du conflit. Un premier envoi de 33 tonnes de matériel est arrivé à la frontière polonaise. Aujourd'hui, deux vols ont permis d'acheminer 8 tonnes de fret médical en Pologne ; demain, 40 tonnes partiront vers la Moldavie. J'annonce à l'Assemblée que nous avons activé le dispositif FACECO – Fonds d'action extérieure des collectivités territoriales – qui permet de fédérer toutes les initiatives et les contributions des collectivités locales, car nous avons vu l'élan de générosité qui s'élevait partout dans le pays. Ce sera l'occasion d'agir ensemble au profit de toutes les populations touchées par le conflit.
La question humanitaire nous amène à évoquer celle de l'accueil des Ukrainiennes et des Ukrainiens contraints à l'exode, c'est-à-dire à aborder, après les présidents Olivier Becht et Jean-Christophe Lagarde, le sujet des réfugiés. Le ministre de l'intérieur a fait des annonces tout à l'heure afin que nous puissions rassembler toutes les initiatives au niveau local – les préfets sont chargés de les collecter. Au niveau national, nous mobilisons la DIAIR, la délégation interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés. Nous nous devons d'être à la hauteur.
Puisque nous parlons de solidarité, elle est de droit et de fait à l'égard de tous nos compatriotes, tous les Français établis hors de France, tous les Français établis en Ukraine. Un dispositif reste en place à ce jour ; nous avons toujours une ambassade sur le sol ukrainien, ce qui n'est hélas pas le cas de tous les pays. Je veux à cette occasion rendre un hommage appuyé à toute l'équipe qu'anime l'ambassadeur Etienne de Poncins.