Intervention de Pr. Alain Fischer

Réunion du mardi 24 mai 2022 à 14h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale :

. – Les responsables des autorités sanitaires de tous les pays européens, des États‑Unis, du Canada, de l'Australie ou du Japon, bref de tous les pays riches, qui ont la chance de disposer de vaccins, ont peu ou prou mené la même politique, avec des nuances au demeurant très intéressantes. Il s'agissait d'utiliser les vaccins disponibles, tout d'abord pour les personnes prioritaires et, ensuite, d'en proposer la généralisation, y compris aux adolescents et aux enfants.

On peut estimer que tout le monde se trompe, voire que tout le monde est criminel ; mais le constat précédent pousse à réfléchir. Les experts de ces pays connaissent un tant soit peu la vaccination, la santé publique et l'épidémiologie ; ils ont apporté des bases concordantes pour proposer une politique mise en œuvre avec succès dans tous ces pays.

Il s'agit là d'une remarque générale, qui a trait aux trois présentations que nous venons d'entendre. J'insisterai plus particulièrement sur la première.

Premièrement, M. Alla parle d'une communication « non loyale » : je ne sais pas ce que cela veut dire. Cette communication fut extrêmement rapide, complète et peut‑être même contreproductive sur tous les effets secondaires indiscutables. Elle a sans doute rendu un vaccin inopérant en France, contrairement à ce qui s'est passé dans les autres pays, et je ne regrette pas qu'il en ait été ainsi. Mais on ne pouvait pas être plus transparent et public qu'on ne l'a été : l'expression publique a été assurée dans les jours, voire dans les heures suivant les observations.

Deuxièmement, on n'a pas privilégié la vaccination générale aux dépens des personnes fragiles : c'est absolument faux. Du 27 décembre 2020 à la fin mai 2021, soit pendant cinq mois, on a réservé la vaccination aux personnes fragiles, en commençant par les plus âgés, en Ehpad, et les plus vulnérables, notamment immunodéprimés.

Ce n'est que fin mai 2021, alors qu'une fraction importante des personnes à risque avait déjà été vaccinée, que l'on a entrepris la vaccination générale, fondée sur les observations liées aux essais cliniques et aux études en vie réelle menées dans d'autres pays.

Ces travaux montraient qu'il y avait un risque pour la population générale, mais qu'il était infiniment plus faible que celui de contracter la maladie. Ils prouvaient également que le vaccin assurait un effet de protection collective ‑ il était encore plus fort en 2021 qu'aujourd'hui, car les virus de l'époque étaient moins transmissibles ‑, même si l'on n'a pas atteint d'immunité collective. En vaccinant les jeunes de 20, de 30 ou de 40 ans, ou encore les adolescents, on a aussi protégé leurs grands‑parents ou telle personne de leur entourage ayant subi, par exemple, une transplantation rénale.

Pour les personnes à risque, les résultats sont parfois insuffisants : c'est clair. En effet, 10 % des personnes de plus de 80 ans n'ont pas été vaccinées : c'est un échec relatif. Néanmoins, la grande majorité des personnes fragiles ont été vaccinées. Les données de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) le montrent : plus de 90 % des personnes atteintes de maladies chroniques, qui sont 17 millions au total, ont été complètement vaccinées.

Il existe une difficulté indiscutable pour les malades dialysés, mais l'immense majorité des personnes à risque ont été vaccinées et continuent heureusement de l'être. À ce titre, chacun se rappelle que nous avons commencé par la vaccination des personnes en Ehpad, qui n'était pas simple à mettre en œuvre.

Troisièmement, je m'étonne des propos relatifs aux enfants et aux adolescents : on aurait inventé une justification à cette vaccination car on voulait à tout prix mettre en avant l'immunité collective.

Or deux arguments ont été invoqués. Je pense, tout d'abord, à la protection contre les risques d'isolement des enfants, faute de scolarité. Je suis assez étonné d'entendre que c'est la vaccination qui a entraîné les problèmes de santé mentale des enfants. Non seulement les moins de 11 ans ne sont pas encore vaccinés, mais le nombre de tentatives de suicide a augmenté considérablement bien avant la vaccination du fait de l'isolement et des conditions de vie, notamment pour les plus défavorisés. La vaccination, sans être parfaite, était donc une mesure raisonnable à proposer.

Je pense, ensuite, au risque pour les enfants de faire des formes graves : il existe, même s'il est faible. Au total, 1 000 d'entre eux ont été hospitalisés en France du fait du syndrome PIMS, pathologie inflammatoire propre aux enfants. Je précise qu'un seul est décédé ; c'est déjà un de trop. La vaccination aurait permis d'éviter des hospitalisations, des séjours en réanimation, voire des séquelles.

Évidemment, le bénéfice individuel direct est beaucoup plus faible pour les enfants que pour les adultes et, a fortiori, les personnes âgées, mais il existe. Malheureusement, la Société française de pédiatrie n'a pas suivi nos préconisations de manière adéquate et je le regrette. Dans les pays voisins, la vaccination des enfants se poursuit et se passe bien.

Quatrièmement, je ne peux pas laisser passer l'accusation selon laquelle nous aurions développé une stratégie de la peur dans notre communication, fondée sur l'exagération des risques et la minimisation des effets secondaires. Des centaines de publications scientifiques sérieuses sur les essais cliniques ou les études observationnelles démontrent, quels que soient le pays, la classe d'âge ou la strate de morbidité concernés, l'efficacité de la vaccination. Il n'y a pas eu non plus, à l'inverse, de minimisation des effets secondaires. Je suis donc étonné qu'un collègue universitaire relaie ce type de propos.

De même, lorsque vous affirmez que 4 % à 20 % des patients qui ont développé des myocardites post‑vaccination ont été en réanimation, le chiffre est en réalité très inférieur, car l'immense majorité des cas restent bénins.

Monsieur Umlil, je préfère ne répondre que sur les points sur lesquels vous m'avez mis en cause. Vous dites que l'on a vacciné certaines personnes sans leur demander leur avis ‑ en l'occurrence, lorsqu'elles étaient immunodéprimées. C'est absolument faux. Personne n'a été vacciné de force. Je vous suggère de prendre contact avec les associations de malades atteints d'insuffisance rénale, de maladies auto‑immunes, de cancers ou de lymphomes : elles considèrent, au contraire, que nous ne les avons pas assez sollicitées.

Enfin, vous mentionnez les cas de clusters en Ehpad. Or ces cas ne démontrent en rien l'inefficacité de la vaccination. En effet, personne n'a jamais prétendu que la vaccination était efficace à 100 %. Toutefois, les études qui démontrent qu'elle protège les personnes très âgées contre les formes graves de la maladie ne manquent pas.

Madame Saulnier, il faut distinguer l'événement et les effets. La différence est grande. Si l'on suit vos chiffres, on arrive à un nombre d'hospitalisations et de décès liés à la vaccination tout à fait irréaliste, que ce soit en France ou dans le monde.

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