Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions, d'autant qu'elles comportent bien des sous-questions…
Je commencerai par la relance de l'Europe de la défense. La situation a évolué de façon assez rapide ces dernières années puisque le traité de Lisbonne a créé un poste de haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, actuellement occupé par Federica Mogherini, chargée d'élaborer une stratégie globale pour l'UE, mission confirmée par le Conseil européen. Nous avançons sur plusieurs fronts : sur le front opérationnel puisque, très récemment, une capacité de planification et de conduite des opérations a été mise en place, dont nous cherchons à améliorer le financement, en particulier à travers la révision du dispositif Athena ; sur le front capacitaire ensuite, puisque la Commission européenne est en train d'élaborer un projet de règlement portant sur un Fonds européen de la défense dont le financement sera consacré à des projets industriels européens menés en coopération entre les différents pays. Ce dernier point est encore en discussion, notamment dans le cadre d'un processus nommé « Coopération structurée permanente ».
Beaucoup reste à accomplir, mais l'important est de faire avancer la construction de l'Europe de la défense dont on a beaucoup parlé, sans que ce soit jusqu'à présent suivi de beaucoup d'effets. À ce titre, la qualité de la relation franco-allemande sera un élément clef : même si ce processus doit irriguer le plus grand nombre de pays européens, nous avons besoin de pays moteurs pour initier la démarche. Nous reparlerons de ces sujets le 13 juillet en conseil de défense franco-allemand et lors de la rencontre entre le président de la République et la chancelière allemande.
Vous m'avez ensuite interrogée sur l'impact de l'opération Sentinelle sur la préparation opérationnelle des forces. Nous en sommes pleinement conscients et c'est pourquoi nous souhaitons, avant tout, stabiliser l'effectif engagé dans ce dispositif – et si « stabiliser » ne signifie pas forcément « réduire », cela ne veut pas dire pour autant « augmenter ». Nous recherchons le moyen de rendre la force Sentinelle plus flexible afin d'en renforcer l'efficacité. Il m'est difficile de vous en dire davantage à ce stade mais je ne doute pas que nous poursuivrons cet échange.
Vous regrettez, Monsieur Lachaud, le nouvel intitulé du ministère. Je me suis déjà exprimée sur ce point et j'entends bien que les opinions peuvent diverger.
Pour ce qui est de nos relations avec l'OTAN, il est vrai que nous nous trouvons dans une période quelque peu charnière puisque, au fond, les intentions de notre allié américain ne sont pas tout à fait claires et lisibles. Nous sommes tous très vigilants pour éviter que l'OTAN ne devienne le vase d'expansion des États-Unis en matière d'engagements budgétaires au cas où ils voudraient moins s'impliquer dans la protection de leurs alliés européens. Je ne suis pas spécialiste des affaires de l'OTAN, aussi ne m'aventurerai-je pas dans l'histoire de cette organisation, mais on sait très bien que l'effort américain est tout à fait significatif – la contribution des États-Unis est même la plus importante. Que les Américains cherchent à faire monter en puissance la participation des alliés est plutôt compréhensible, mais cela reste une question de proportion – laquelle doit rester raisonnable –, et ne doit pas impliquer un désengagement de leur part. En tout cas, nous n'avons pas du tout l'intention de pratiquer la politique de la chaise vide au sein de l'OTAN, cela parce que nous faisons preuve d'une très grande vigilance en la matière.
Comme l'OTAN ne participe pas à toutes les opérations dans lesquelles nous sommes engagés, nous considérons que quand l'organisation demande davantage d'argent en particulier auprès de la France, nous avons quelques arguments à faire valoir pour ne pas contribuer nécessairement dans les proportions souhaitées. Ce qui ne signifie pas que l'objectif de 2 % du PIB ne soit pas un bon objectif pour nous en termes d'effort national de défense.
Nous souhaitons pouvoir continuer à mener des opérations sans nécessairement devoir compter sur la participation de l'OTAN. Nous n'avons donc pas le sentiment de sacrifier notre autonomie, notre souveraineté, y compris en ce qui concerne les armements. Pour le peu que j'ai pu constater du fonctionnement de l'organisation, l'un de ses atouts majeurs a été de développer, au fil des années, une interopérabilité potentielle entre les armées des différents pays, et « potentielle » ne signifie pas obligatoire ; mais, dès lors que nous ne disposons pas d'un système d'armements intégrable dans une unité de commandement, nous nous privons de facto de la capacité, si nous le décidons, de participer à un certain nombre d'opérations. De ce point de vue, il ne s'agit pas de renoncer à notre autonomie, à notre souveraineté, mais de disposer d'une capacité supplémentaire, d'une liberté que nous nous donnons.
Il n'en reste pas moins que nous veillons à notre autonomie, en particulier en ce qui concerne les composants américains qui doivent être soumis à ce que les spécialistes nomment la procédure ITAR (International Traffic in Arms Regulations). Autrement dit, nous ne souhaitons pas être dépendants d'un certain nombre de matériels ou de composants que l'industrie américaine fabrique ; échapper à ce monopole et y échapper parce qu'il est américain, voilà deux bonnes raisons de ne pas nous lier les mains. C'est pourquoi la capacité que nous aurons, à terme, de développer une industrie de la défense plus européenne, nous rendra moins dépendants des États-Unis.
J'ai rappelé que l'industrie de l'armement était importante pour l'économie nationale. M. Chassaigne a énuméré tous les matériels que nous ne fabriquons pas…