Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, mes chers collègues, il faut donc que tout change pour que rien ne change. Cette fameuse maxime caractérise de notre point de vue l'ère politique inaugurée par la victoire du candidat Macron et la mise en place de ses deux gouvernements puis de sa majorité, mais aussi, et malheureusement, les débats et les échanges que nous avons eus au sein de la commission des lois sur ces deux textes, notamment sur le projet de loi organique portant sur la dénommée confiance dans la vie publique, que nous vous demandons de rejeter.
Certes, nous ne sommes pas dans l'Italie du Risorgimento dont les élans révolutionnaires parachevèrent la construction de l'unité nationale et d'un État. Notre situation est même plutôt contraire. En effet, la période actuelle se caractérise par le démantèlement de l'État, l'affaiblissement de la puissance publique et une crise démocratique profonde, qui touche le coeur de ce qui fonde précisément la communauté politique et la société civile à laquelle nous adhérons tous, à savoir le consentement – le consentement de l'individu et celui du citoyen et de la citoyenne à l'autorité, jadis celle d'un roi, aujourd'hui celle d'un État, d'un régime, d'une République.
Il s'agit d'un moment de crise, politique, écologique, sociale et économique, ce même moment qu'Antonio Gramsci caractérisait comme celui « où l'ancien ordre du monde s'estompe et où le nouveau doit s'imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions. Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments ».
Nous pensons que ce projet de loi organique ainsi que le projet de loi ordinaire sont de ce type d'erreurs. Dans le moment que nous vivons, celles et ceux d'en bas ne veulent plus que les choses se passent comme avant et celles et ceux d'en haut ne peuvent plus faire en sorte que les choses se passent comme avant ; quant à ceux du milieu, ils peuvent basculer d'un côté ou de l'autre. C'est là qu'interviennent des personnages du type de Tancrède-Macron, pour faire en sorte que « tout change pour que rien ne change », pour donner l'apparence du changement et du renouvellement de façade tout en s'inscrivant dans la continuité et le maintien du statu quo, afin que celles et ceux d'en haut maintiennent, sous d'autres formes et d'autres habillages, leur contrôle, leur pouvoir et leurs privilèges.
Nous présentons cette motion de rejet parce que les motifs, les objectifs, les méthodes et les périmètres de ces projets de loi s'inscrivent précisément dans la stratégie d'un pouvoir, d'un Gouvernement et d'une majorité qui veulent, derrière l'apparence du changement, que rien ne change fondamentalement.