Chaque question mériterait de très longues réponses mais j'ai bien compris qu'il me fallait être bref.
Les partenariats avec les start-up et, plus globalement, avec le monde industriel sont décisifs. Mon expérience à l'INRIA m'a montré que la gestion du temps, les modes de transfert, le traitement de la propriété intellectuelle varient considérablement d'un secteur à l'autre. Il faut se méfier de tout dispositif englobant, ou du moins permettre qu'il se décline de façon diversifiée. Nous savons par exemple que toutes les disciplines ne donnent pas lieu à des brevets. C'est le cas de l'informatique avec les logiciels. Il faut être extrêmement souple et agile et s'adapter selon qu'il s'agit de travailler avec une start-up, une PME ou un grand groupe, dans le domaine des biotechnologies, des finances ou bien des logiciels. Le CNRS, qui est une institution imposante, doit savoir faire preuve de réactivité. Il ne peut pas dire aux responsables d'une start-up que ses équipes vont étudier leur protocole, le soumettre à ses juristes puis à ceux de l'université qui collabore au projet, car au bout de six mois, soit la start-up aura disparu, soit elle n'aura plus besoin de son appui. Je ne doute pas que les SATT sachent faire preuve d'agilité. En revanche, j'ai quelques interrogations sur leur capacité à être spécialistes dans des domaines pointus. Bref, il faudra travailler sur ce sujet.
Madame Rubin, je ne suis pas d'accord avec votre analyse, qui laisse entendre que les jurys d'admission seraient composés de peintres en bâtiment, alors que leurs membres sont des scientifiques tout aussi honorables que les membres du jury d'admissibilité. En outre, le jury d'admission comporte aussi des membres du jury d'admissibilité, il n'est pas seulement composé de membres nommés par la direction. Mais vous me permettrez de ne pas commenter ce qui s'est passé au CNRS en 2017 car je n'en étais pas président.
Il faut que le rôle de chaque jury soit clairement défini. Vous avez raison de dire que cela n'aurait aucun sens que le jury d'admission remette à plat les décisions du jury d'admissibilité. Mon expérience à l'INRIA m'a montré qu'il était difficile pour un jury de classer les candidats très précisément, rang par rang, l'un en dessous de l'autre. Le plus souvent, ce sont davantage des « paquets » que nous parvenons à former. S'orienter vers un système où le jury d'admissibilité classerait par paquet et laisserait le jury d'admission classer selon des critères de politique scientifique ne me choque pas. Cela nécessite beaucoup de dialogue, j'en suis conscient. Il faut trouver un bon équilibre pour prendre en compte à la fois la qualité scientifique, qui est bien évidemment le critère primordial pour recruter des chercheuses et des chercheurs, et des considérations de politique scientifique.
Plusieurs d'entre vous ont posé des questions sur l'association avec d'autres instituts de recherche. Si l'on se lance dans une grande remise à plat, dans « un grand soir », cela prendra plusieurs années : nous dépenserons beaucoup de temps et d'énergie pendant que les institutions étrangères avanceront de leur côté. Mieux vaut être pragmatique. Il faut arrêter de penser que nous devons tout faire ensemble : pour certains sujets, c'est possible ; pour d'autres, ça ne l'est pas. L'important est de s'informer mutuellement. Il existe aujourd'hui des relations de confiance entre l'INSERM et l'INSB, comme entre l'INRIA et les départements de mathématiques et d'informatique du CNRS. Il y a eu des rapprochements analogues à ceux opérés par l'AVIESAN, qui est l'une des alliances qui fonctionne le mieux.
Si nous voulons que le CNRS et le système de l'enseignement supérieur et de la recherche restent performants, il faut fonctionner avec ce mikado institutionnel. Évitons d'ajouter des bâtonnets, essayons plutôt d'en enlever. Avec les grands acteurs existants – l'INSERM, le CEA, l'INRIA, l'Institut national de recherche agronomique, les universités, les écoles – mettons-nous autour d'une table, comme cela se fait déjà, pour décider que telle ou telle unité sera pilotée par telle ou telle institution. Ayons toujours présent à l'esprit que l'enjeu est la place de la France au niveau international. À Stanford, à Harvard ou au MIT, personne n'accorde d'importance à nos subtilités internes même si chaque pays a ses propres subtilités – en Allemagne, par exemple, entre les universités, les instituts Max-Planck et les instituts Fraunhofer, le paysage n'est pas non plus très simple.
La vraie question est la suivante : comment faire pour avoir une recherche plus performante, qui serve plus l'innovation et la société ?