Intervention de Éric Poulliat

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Poulliat :

Il est urgent de placer les relations entre les forces de l'ordre et la population au coeur du débat parlementaire, compte tenu du contexte sécuritaire particulièrement difficile dans lequel nous nous trouvons. Notre majorité n'a pas dissimulé sa volonté de mener une réflexion approfondie en ce sens et le Gouvernement s'est engagé à faire évoluer les missions de la police et de la gendarmerie pour répondre à la priorité des Français – la sécurité. Les contrôles d'identité sont un marqueur important de la confiance des citoyens vis-à-vis des forces de l'ordre. Les contrôles abusifs ou discriminatoires sont inacceptables. Le groupe La République en marche est très attaché à ce que de telles pratiques discriminatoires ne viennent pas ternir l'image de ces forces.

Il faut néanmoins garder à l'esprit que notre police est républicaine. Par principe, elle ne doit pas faire de discriminations et il existe déjà tout un arsenal juridique pour l'en empêcher. Le code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationale, entré en vigueur le 1er janvier 2014, encadre le déroulement concret des contrôles d'identité. L'article R. 434-16 du code de la sécurité intérieure prévoit ainsi que « lorsque la loi l'autorise à procéder à un contrôle d'identité, le policier ou le gendarme ne se fonde sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler, sauf s'il dispose d'un signalement précis motivant le contrôle. Le contrôle d'identité se déroule sans qu'il soit porté atteinte à la dignité de la personne qui en fait l'objet. » De même, l'article R. 434-15 du même code pose le principe d'une identification individuelle des agents par leur matricule.

Toutefois, lorsqu'une discrimination est constatée, des sanctions sont prévues. Les plateformes internet de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) permettent aux particuliers de signaler tout manquement déontologique des forces de l'ordre. Le droit positif encadre donc strictement la manière dont les contrôles d'identité sont conduits et permet aux justiciables de saisir le juge.

Le débat que nous engageons aujourd'hui sur la proposition de loi de nos collègues du groupe La France insoumise n'est pas nouveau. En 2016, des propositions similaires ont pris la forme d'amendements au projet de loi sur le crime organisé et au projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Plusieurs propositions de loi visant à lutter contre les contrôles abusifs ont également été déposées. Celle d'aujourd'hui remet donc sur la table un problème récurrent, mais y apporte une fausse solution.

Si la France est le pays qui pratique le plus les contrôles d'identité en Europe – à l'aide, parfois, de méthodes condamnables, comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2016 –, je ne pense pas que l'introduction d'un récépissé permettra d'améliorer la situation. Ce n'est pas en contrôlant les contrôleurs qu'on sortira de la logique de défiance entre les forces de l'ordre et les citoyens. D'ailleurs, une des personnes que vous avez auditionnées la semaine dernière, monsieur Coquerel, déclarait : « Dans nos quartiers, on a peur des bandes, mais on a aussi peur de la police. » L'introduction d'un récépissé ne permettra pas de faire évoluer cette situation car elle ne fait que changer la cible de la suspicion : ce n'est plus la personne contrôlée qui est alors suspecte, mais le policier.

La réforme que vous proposez ne peut être bien accueillie par les forces de l'ordre qui y voient une remise en cause de leur travail et de l'exercice de leurs missions. Au lieu de rétablir la confiance là où elle a été perdue, vous ne faites qu'accroître la défiance. De plus, vouloir contrôler le contrôleur nous fait rester dans une logique de contrôle. Nous devons sortir de la culture du contrôle d'identité comme moyen d'affirmation de l'autorité policière, mais il vaut mieux miser, pour ce faire, sur le recrutement et la formation, d'une part, et sur des modes d'action plus adaptés et plus mobiles, d'autre part, plutôt que sur l'introduction d'une énième procédure administrative qui ne fera qu'alourdir le travail de nos agents. La police de sécurité du quotidien (PSQ) permettra de sortir de la logique des contrôles d'identité systématiques et de retisser le lien avec la population, notamment dans les quartiers populaires que vous avez cités.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera contre ce texte.

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