Intervention de Manuel Valls

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Valls :

Il y a, dans notre société, deux phénomènes. Il y a, d'une part, des formes de discrimination et de racisme qui touchent les populations du fait de leur nom, de leur couleur ou de leur adresse, et qui se manifestent notamment dans les secteurs de l'emploi et du logement. Les jeunes – mais pas seulement eux – ont parfois le sentiment, en effet, d'être considérés comme des citoyens de seconde zone, y compris dans le cadre de contrôles d'identité. Il y a, d'autre part, un autre phénomène – que je n'oppose pas au premier : celui d'une violence qui se manifeste à l'égard de tout ce qui représente l'autorité en général et celle de l'État en particulier. On assiste parfois aussi à un recul du sentiment d'appartenance à la nation ou à la République. Nous n'étudierons pas ici les causes de cette violence – qui vient de loin – mais soulignons qu'elle s'exerce d'abord à l'égard des forces de l'ordre. Il faut traiter ces deux phénomènes en tant que tels. Les mélanger à l'occasion de ce débat ne me paraît apporter de solution à aucun des deux.

Nous avons eu ce débat à de nombreuses reprises par le passé, c'est vrai. Quand j'ai été nommé ministre de l'intérieur, j'ai essayé de traiter de cette question du récépissé. En mon for intérieur, fort de mon expérience de maire d'Évry, je n'y croyais pas, mais il fallait mener cette discussion. Les syndicats de police, les gardiens de la paix, les officiers et les commissaires y étaient totalement opposés. Des associations des quartiers populaires l'étaient également de même que des parlementaires et des candidats à la présidence de la République. Nous l'avons écartée très vite pour des raisons d'efficacité, sans oublier l'avis de la CNIL – peu convaincue par les expérimentations menées à l'étranger. Surtout, on ne savait pas quelles seraient l'utilité et la finalité de ce document. Nous avons donc écarté cette solution sans pour autant négliger la question du contrôle.

On en a évoqué certains éléments, qui sont importants : la formation des forces de l'ordre ; le numéro de matricule, qui doit être visible sur l'uniforme ; les Inspections générales – IGPN et IGGN – dont le rôle a été renforcé, avec la mise en place d'une plateforme internet ; le code de déontologie, qui a été modifié. Il faut ajouter à cela l'expérimentation des caméras piétons, qui mérite d'être portée à son terme.

La question qui se pose est celle du rapport entre la police et les citoyens. Il peut s'agir d'un rapport de proximité, comme celui que les polices municipales et la gendarmerie, dans les territoires ruraux, sont chargées d'établir. Mais, de façon plus globale, qu'attendons-nous de la police ?

La police est d'abord destinée à traquer ceux qui contreviennent à la loi et commettent des délits. Je ne parle pas seulement du terrorisme, mais de la délinquance du quotidien qui pourrit la vie de nos concitoyens, en particulier dans nos quartiers populaires, en particulier dans les halls d'immeubles, et là où il y a du trafic de drogue. C'est aussi là qu'il faut donner à la police les moyens d'intervenir.

On peut toujours lancer un débat philosophique sur la place de la police dans notre société, mais il n'en reste pas moins que la police doit remplir la mission qui lui a été assignée. Cela étant dit, on ne peut pas lui de demander de remédier à tous les problèmes qui se posent par ailleurs.

Enfin, et je m'adresse à mon ami Hervé Saulignac : quand on a gouverné, quand on gouverne et quand on espère gouverner, il faut faire attention à ce que l'on dit ! Ceux qui soutiennent cette proposition de loi véhiculent un sentiment de défiance à l'égard des forces de l'ordre. Ils font passer l'idée que l'État français, par le biais de sa police, ferait preuve de discrimination, réactivant ainsi la vieille thèse d'un État raciste. Ce n'est évidemment pas ce qu'a dit M. Coquerel. Mais même si cette thèse n'est pas défendue ici, elle est défendue par d'autres. Et le récépissé, dans cette proposition de loi, constitue un signe de défiance à l'égard des forces de l'ordre.

Ce n'est pas un petit débat, ce n'est pas une proposition anodine : on veut inverser la charge de la preuve et faire passer dans ce pays l'idée que la police – on parle peu de la gendarmerie – pratiquerait la discrimination.

Comme l'a rappelé fort justement Mme Vichnievsky il y a un instant, la police est une des représentations de l'État parmi les plus diverses de notre société. On ne le dit jamais assez, ce sont souvent les jeunes policiers qui interviennent là où c'est le plus difficile. Ils viennent souvent des mêmes quartiers que ceux qu'ils peuvent trouver en face d'eux ou même être amenés à contrôler. Ils ont les mêmes goûts musicaux, la même culture. Et ce sont eux qui représentent la République.

Encore une fois, cette proposition de loi est un signe de défiance à l'égard de la police. Or, dans la période que nous traversons, marquée par la violence que nous connaissons, c'est un signe de confiance qu'il faut adresser aux forces de l'ordre.

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