Je serai évidemment plus bref que mon collègue Alain Tourret, qui, en tant que rapporteur de la commission saisie au fond, a vocation à s'exprimer sur bien plus de points que le rapporteur pour avis de la commission des Affaires européennes. Il l'a d'ailleurs fait dans le détail et je soutiens naturellement les orientations qui sont les siennes.
L'échéance européenne de 2019 est fondamentale puisqu'elle s'inscrit dans une période de crises répétées de l'Union européenne, depuis l'année 2005 et les « non » français et néerlandais à la Constitution européenne. En fait, les crises se sont multipliées ces dernières quinze années : la crise économique et financière, la crise de l'euro, la crise de la dette, la crise grecque, la guerre en Libye, la guerre en Syrie et puis, crise ultime, le Brexit. L'élection d'Emmanuel Macron et de cette nouvelle majorité est venue mettre un terme à cette période de crises répétées, avec un engagement fort pour l'Europe, qui a été soutenu par les Français.
Le rendez-vous de 2019 sera un moment de démocratie européenne extrêmement important : nous serons effectivement à mi-mandat et ce sera le moment de rencontrer les Françaises et les Français. C'est une échéance fondamentale car le marqueur de la majorité, c'est cet engagement européen, c'est ce qui nous tient tous ensemble. C'est ensuite une échéance fondamentale pour le Parlement européen puisque, depuis de nombreuses années, les partis politiques français le considèrent comme la seconde division de la vie politique française, une voie réservée aux défaits des scrutins précédents qu'il faut bien « recaser ». Quelques parlementaires assidus – coordinateurs de commission, vice-présidents, rapporteurs – font exception, et ils font honneur au travail parlementaire français au Parlement européen, mais ce n'est pas la majorité. L'un des enjeux du scrutin de 2019 sera donc de changer de paradigme.
Ce sera enfin une échéance fondamentale puisque ces élections se tiendront au terme des consultations citoyennes proposées par le Président de la République pendant la campagne électorale, qui sont aujourd'hui en cours de discussion au Conseil. Le Président de la République a envoyé une lettre à ses homologues européens au mois de décembre, et je crois que le sommet informel du mois prochain devrait être l'occasion d'avancer sur ces sujets. J'espère pour ma part que nous pourrons, en France, avancer rapidement. J'espère que chacun d'entre nous pourra s'emparer de ces consultations citoyennes dans sa propre circonscription pour faire vivre la démocratie et faire en sorte que nos concitoyens s'intéressent un peu plus au débat européen.
Sur le fond, je salue évidemment la volonté du Gouvernement de revenir à une circonscription nationale. La lisibilité du scrutin en sera améliorée et cela facilitera la compréhension des enjeux. Par extension, cela permettra de mieux intégrer les Français au débat politique européen ; jusqu'à présent, ils ont été tenus à la marge, il est nécessaire de les y associer à nouveau. Avec le retour à cette circonscription nationale, nous prenons acte de l'échec de ces circonscriptions qui n'avaient aucune cohérence, s'étendaient sur plusieurs régions, plusieurs départements, comptaient des millions d'électeurs. L'ambition de rapprocher le parlementaire européen de sa circonscription et de ses concitoyens n'a pas été réalisée. Les circonscriptions étaient trop grandes et les élus des circonscriptions Ouest, Sud-Ouest ou Sud-Est n'y résidaient pas forcément : certains vivaient à Paris, et le lien entre le parlementaire et sa circonscription n'était pas affirmé.
Deuxième élément, la législature 2019-2024 sera celle de la refondation de l'Union européenne. Nous sortons de cette période de crise que j'évoquais tout à l'heure. Le retour à une circonscription nationale me paraît être une bonne orientation, mais il me semble extrêmement positif de laisser la porte ouverte à des listes transnationales si nous voulons avancer sur ces grands sujets que sont la sécurité, le terrorisme, les migrations, le développement, le changement climatique. J'espère donc que le Parlement européen, qui aura à s'exprimer au cours des prochaines semaines – le rapport de Mme Hübner est attendu –, soutiendra cette idée. J'espère aussi que le Conseil européen pourra s'entendre et que nous pourrons mettre en oeuvre ces dispositions en France.
Sans dévoiler la nature du rapport que je présenterai la semaine prochaine à la commission des Affaires européennes, je souhaite insister sur plusieurs points.
Qu'en est-il, madame la ministre, de la possibilité de renforcer la représentativité des élus français au Parlement européen ? Aujourd'hui, la France y compte soixante-quatorze représentants, mais, sa population ayant augmenté, elle devrait en compter davantage. Où en sont les discussions sur ce point ?
Je crois aussi nécessaire une harmonisation des seuils d'éligibilité au Parlement européen. D'un Etat membre à l'autre, ils sont extrêmement disparates. Avançons sur la voie d'un seuil commun.
Par ailleurs, en 2014, France Télévisions n'avait pas souhaité diffuser le débat entre ce que les Allemands appellent les Spitzenkandidaten, ces têtes de liste européennes qui représentaient les différentes familles politiques européennes. Si ces Spitzenkandidaten étaient maintenus, et si une campagne européenne s'amorçait autour d'eux, le débat serait-il diffusé sur France Télévisions ?
Enfin, quelle serait la juridiction compétente dans la supervision du scrutin si des listes transnationales s'y présentent ? Le principe de subsidiarité sera-t-il applicable, auquel cas chaque juridiction nationale serait chargée de contrôler la régularité du scrutin sur son territoire ? Ou bien serait-il nécessaire de créer un organe européen habilité à trancher, le cas échéant, tout litige potentiel relatif à l'élection de ces listes transnationales ?