Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du mardi 23 janvier 2018 à 21h10
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe :

Je souscris totalement aux propos tenus tout à l'heure par notre collègue Philippe Gosselin. Il n'en sera pas surpris puisque j'étais son prédécesseur à la CNIL – en fait, nous avons même eu le plaisir de siéger ensemble. J'ajouterai simplement quelques points.

Le droit à la vie privée et à la protection des données personnelles est l'un des grands enjeux du XXIe siècle, notamment eu égard au développement vertigineux du numérique et des réseaux sociaux. Il nous faut trouver une ligne de crête entre la protection de nos concitoyens et les intérêts de nos entreprises, qu'il s'agit de ne pas handicaper face à des concurrentes qui ne sont pas soumises aux mêmes règles.

Je veux rendre un hommage appuyé à ceux qui sont à l'origine de cette directive européenne, fruit de plus de dix ans d'un travail engagé par le « G29 » (groupe de travail de l'article 29 sur la protection des données), organe qui regroupe l'ensemble des CNIL européennes, longtemps présidées par l'ancien président de la CNIL, le sénateur du Nord Alex Türk, auquel je veux rendre hommage, et poursuivi par Mme Isabelle Falque-Pierrotin, actuelle présidente de la CNIL et également présidente du « G29 ».

Un certain nombre de dispositions du règlement, transposées par ce projet de loi, notamment l'alourdissement sensible des sanctions encourues, me satisfont particulièrement. La formation restreinte, organe de jugement de la CNIL, dont j'étais membre, infligeait parfois des amendes d'un montant ridicule au regard de la puissance économique des entreprises sanctionnées, telle Google. Une sanction doit être significative et dissuader de récidiver. Au demeurant, pour beaucoup d'entreprises, la pire sanction, c'est la publicité de la sanction… Je me souviens d'un grand organisme de formation dont la sanction avait été rendue publique. C'est cette publicité qui lui avait le plus nui… à tel point qu'il a fait des efforts considérables et est même devenu un modèle en la matière !

Je regrette, comme notre collègue Philippe Gosselin, le recours à la procédure accélérée mais, vous l'avez dit tout à l'heure, nous sommes pris par les délais. Il est vrai que l'année 2017, année électorale, ne se prêtait pas à l'examen d'un tel projet de loi par nos assemblées. Je n'en regrette pas moins amèrement que la réécriture d'un texte aussi fondamental que la loi « Informatique et libertés » se fasse par ordonnances. L'enjeu de la protection des données personnelles méritait un grand débat démocratique dans nos assemblées ; or vous vous apprêtez à nous en priver. C'est d'autant plus dommage que cela aurait été un moment de pédagogie vis-à-vis de nos concitoyens et l'occasion d'un choix de société : quelle société du numérique voulons-nous ? quelle protection de la vie privée et des données personnelles voulons-nous dans cette société ? Je vous conjure, madame la garde des Sceaux, d'user de votre influence pour que l'on revienne sur la décision de recourir aux ordonnances. Il est fondamental que nous nous emparions démocratiquement de ce sujet plutôt que de le laisser à de hauts fonctionnaires. Aussi grandes que soient leurs qualités, c'est aux élus du peuple qu'il revient de réécrire ce texte.

En tout état de cause, ces changements législatifs et réglementaires devront s'accompagner d'un important travail de pédagogie, notamment auprès de notre jeunesse, qui devra être engagé et amplifié par l'éducation nationale. Combien d'exemples avons-nous de ces jeunes qui viennent nous voir parce qu'ils sont poursuivis par des images d'eux-mêmes qu'ils avaient publiées sur les réseaux sociaux et qui ne les mettent pas en valeur, pour utiliser un doux euphémisme, au moment de rencontrer de potentiels employeurs !

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