Madame la garde des Sceaux, je commencerai par exprimer le regret qu'inspirent au groupe de la France insoumise les conditions de préparation de ce projet de loi et la précipitation dans laquelle il est examiné, dénoncées tant par la CNIL que par le Conseil d'État. Nous déplorons aussi le choix du Gouvernement de légiférer par ordonnance sur des questions aussi importantes qui touchent aux droits et aux libertés numériques de l'ensemble de nos concitoyens.
En l'état, notre groupe ne pourra pas voter ce projet de loi, estimant que le Gouvernement a largement excédé ce qui était demandé par les textes européens, pour insuffler au texte une logique qui libéralise totalement le recours au fichage et qui affaiblit le rôle d'autorisation et de contrôle de l'État. Alors que les textes européens, notamment le règlement et la directive de 2016, avaient constitué des avancées positives en matière de droits, le Gouvernement profite de cette transposition pour réformer profondément le mode de contrôle de la CNIL sur les fichiers, en généralisant un régime de contrôle sous forme de supervision et en restreignant les déclarations préalables et autorisations à des domaines très limités.
En refusant de définir la notion de mission d'intérêt public, ou plutôt de lui donner un champ élargi, vous imposez une libéralisation pratiquement totale sur la totalité des fichiers. De même, le Gouvernement libéralise très largement la possibilité de développer le traitement des données à l'article 12, et le profilage administratif à l'article 14. Nous aurions préféré qu'il reste dans l'esprit initial du règlement et de la directive de 2016 en renforçant les droits et libertés numériques plutôt qu'en favorisant leur utilisation déraisonnée et marchande. Nous avons déposé plusieurs amendements visant à ce que les GAFA ne puissent continuer à échapper aux règles les concernant – en l'état actuel, les infractions ne sont sanctionnées que par des amendes d'un montant insignifiant pour ces sociétés –, et à renforcer les moyens de la CNIL et la transparence, en évitant les conflits d'intérêts. Enfin, nous proposons également des amendements relatifs à la neutralité du net ; cette question a toute sa place dans ce texte et nous l'estimons centrale pour la préservation des données personnelles. Tant que nous n'aurons pas l'assurance que toutes les questions que je viens d'évoquer ne sont pas réglées, nous ne pourrons voter ce texte.