Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur :

Clarifions tout de suite les choses : le récépissé ne vaudra pas pièce justificative pour éviter d'être contrôlé une nouvelle fois. L'argument que vous venez d'utiliser n'est pas pertinent, monsieur Masson.

« Quelle humiliation y a-t-il à devoir justifier son identité ? » demandez-vous. J'aimerais savoir ce que vous ressentiriez si, tous les deux jours, les mêmes équipes de policiers vous contrôlaient à la sortie de votre domicile, sans aucune raison. Vis-à-vis de vos voisins, de votre entourage, de votre famille, ne croyez-vous que l'image que renverraient ces contrôles à répétition serait une humiliation pour vous ? Le problème est là. Je m'en suis déjà expliqué ce matin et je regrette à cet égard que la discussion générale ait été dissociée de la discussion des amendements. Quand dans le métro vous voyez des gens contrôlés par les policiers, personne ne peut s'empêcher de se dire qu'ils ont fait quelque chose, or ces gens ont souvent une couleur de peau qui n'est pas blanche. Voilà la réalité ! Les statistiques montrent cependant que 95 % des personnes faisant l'objet d'un contrôle d'identité n'ont rien à se reprocher. Il ne s'agit pas pour nous de soupçonner les policiers. Nous ne cherchons pas à supprimer les contrôles d'identité mais à les améliorer pour les rendre plus efficaces.

M. Fauvergue, vous avez souligné que la police comprenait des agents issus des « minorités ethniques ». Nous ne visons pas les policiers eux-mêmes, mis à part quelques individus dont le comportement dépasse l'entendement, mais le système actuel : il rend possible de procéder à des contrôles qui ne répondent pas à des raisons objectives individualisées mais à des « raisons plausibles de soupçonner » un individu et de facto, l'élément déterminant est à 80 % la couleur de peau. Vous et moi ne subissons pas ces contrôles mais comprenez que pour ces personnes-là, il est humiliant d'être pointé comme quelqu'un de soupçonnable alors que dans l'écrasante majorité des cas, elles n'ont rien fait.

Vous nous reprochez encore de soupçonner les policiers. Au moment où notre assemblée examine le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance qui prévoit que les fonctionnaires de la plupart des administrations, y compris l'administration fiscale, auront à prouver la mauvaise foi de l'usager, il est paradoxal de considérer qu'il y a une administration à laquelle on ne pourrait rien demander – l'administration policière. La police nationale et républicaine a un pouvoir fort, celui de réprimer voire de tuer. Mener une réflexion politique sur les manières d'améliorer les procédures qu'elle suit n'est nullement une façon de soupçonner ses agents. Pierre Joxe, en 1983, alors ministre de l'intérieur, a pris l'heureuse décision de lancer un plan pluriannuel de formation de la police. Il serait peut-être nécessaire d'en lancer un nouveau près de quarante ans après.

Vous avez évoqué les caméras piétons. En dehors du fait que leur coût est élevé, il y a une grande différence entre leur usage, qui repose sur la décision du policier de les déclencher, et un récépissé, pièce standardisée reconnue par la justice. Vous parlez d'archaïsme du papier mais s'il s'agit de résoudre un problème, je considère que c'est une procédure très moderne.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable, bien sûr, à l'amendement de suppression.

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