Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur :

M. Pradié, vous n'étiez pas présent à la réunion de ce matin et vous auriez peut-être eu des réponses aux questions que vous vous posez.

J'ai évoqué les arrêts de la Cour de cassation du 9 novembre 2016 dans lesquels celle-ci considère que les contrôles discriminatoires constituent une faute lourde qui engage la responsabilité de l'État. Ce n'est pas anodin.

J'ai évoqué également la position de l'Organisation des Nations unies sur les risques de profilage ethnique dans les contrôles d'identité.

Comme il n'y a pas de traçabilité des contrôles d'identité, il est difficile d'établir des statistiques à grande échelle. Toutefois nous disposons d'études du CNRS et d'analyses de la direction générale de la police nationale effectuées dans deux départements, l'Hérault et le Val-d'Oise. Elles montrent toutes la même chose : 95 % des contrôles d'identité sont inutiles ; 80 % des personnes contrôlées ont une couleur de peau différente de celle de la population majoritaire en France. Autrement dit, il existe bien des contrôles discriminatoires.

Et la question n'est pas liée à tel ou tel policier ! C'est le système que nous mettons en cause : par une accumulation de lois, le contrôle d'identité a été banalisé comme nulle part en Europe. Il est devenu l'alpha et l'oméga de la police. Stéphane Peu l'a bien analysé : c'est devenu la police du pauvre, en l'absence de moyens dédiés aux investigations qui permettraient de lutter contre le grand banditisme ou la délinquance quotidienne. La procédure – non pas dans son principe mais dans la manière dont les contrôles sont réalisés – n'améliore en rien la vie des policiers ou l'élucidation des affaires. Par contre, dans beaucoup d'endroits, elle complique les rapports avec la police pour des millions de nos concitoyens – notamment les jeunes. Je suis le premier à le regretter.

Certes, notre proposition ne réglera pas tout. Je l'ai dit ce matin, il faudrait aussi interroger ceux qui sont à l'origine de la disparition de la police de proximité. Actuellement, les policiers viennent souvent de l'extérieur et ne se retrouvent pas « chez eux », au milieu d'une population sur laquelle ils sont pourtant censés veiller, pour que tout le monde vive en paix.

En conclusion, vous nous dites que la police n'est pas une administration comme les autres. Mais c'est une administration ! Elle n'est pas au-dessus des lois. Ainsi que le prévoit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il est normal – et non problématique – que les citoyens puissent évaluer les pratiques de ce corps ou cette administration – je vous laisse le choix des termes, M. Pradié. De même que, dès lors que des dysfonctionnements apparaissent, il est tout aussi normal que nous, représentants de la Nation, puissions légiférer sur cette question, sans que cela apparaisse comme un problème !

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