Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Je constate que l'eau est une préoccupation majeure de notre Commission, puisque ce n'est pas le premier texte que nous étudions sur le sujet… Ces débats sont également des tribunes : il est vrai que ces questions sont au coeur de la vie de nos territoires.

Mais à vouloir parler de tout et trop, on risque de tomber dans la caricature. Tel est le cas de cette proposition de loi : on ne peut pas être pour ou contre l'accès à l'eau ! Nous sommes tous pour un accès à l'eau le plus simple et le plus qualitatif possible, car nous sommes tous attentifs à ce que nos concitoyens bénéficient d'un cadre de vie respectueux de l'environnement, mais surtout de leur situation sanitaire et sociale. C'est au coeur de la préoccupation de l'accès à l'eau, préoccupation que nous avons tous – dans nos fonctions antérieures ou en tant que législateur – portée et défendue.

Au-delà de ce risque caricatural, votre proposition de loi comporte trois biais qui font que Les Républicains ne la soutiendront pas.

Tout d'abord, avec cette proposition que vous voulez constitutionnelle, vous sortez l'arme atomique ! Or, au sein de la commission des Lois, cela a un sens : on sait bien qu'on ne doit pas toucher à tout bout de champ à la Constitution – même si l'histoire récente ou les idées des uns et des autres peuvent parfois prêter à confusion sur le sujet. C'est un texte fondamental pour l'équilibre des pouvoirs de notre République et la protection des droits individuels. On ne va pas y ajouter l'accès à l'eau le lundi, à l'électricité le mardi ou à internet le mercredi !

Par ailleurs, vous prétendez dans votre propos introductif, monsieur le rapporteur, qu'on va améliorer l'effectivité de l'accès à l'eau en modifiant la Constitution. Précisément non ! La Constitution n'est pas un texte opérationnel : elle encadre les mesures qui sont destinées à l'être. Il y a donc une erreur sur le moyen que vous préconisez pour porter cette idée. Par ailleurs, et Mme Kamowski l'a démontré, vous voulez réaffirmer un droit qui existe déjà – je ne reprendrai pas ici les textes déjà cités.

Enfin, au-delà de l'affirmation d'un accès à l'eau, vous entendez organiser dans la Constitution le moyen de cet accès. Encore une fois, en tant que membres de la commission des Lois, nous devons particulièrement veiller à la cohérence de la doctrine juridique. Instaurer dans un même texte à la fois une obligation de moyens et une obligation de résultat tout en créant un droit constitutionnel, cela fait un peu beaucoup ! C'est surtout tout à fait incohérent au regard de l'organisation de la hiérarchie des normes dans un État de droit.

Selon vous, l'unicité de l'organisation de la distribution de l'eau serait plus favorable à l'usager. Je ne le crois pas. Ainsi, dans ma communauté de communes, deux modes de gestion coexistent, une régie et une délégation de service public, et l'un complète l'autre. Pour autant, la confiance n'exclut pas le contrôle. Nous pouvons nous retrouver sur ce constat : la délégation d'un service public à un partenaire privé sans contrôle par l'opérateur public entraîne parfois des dérives. Certains territoires l'ont appris à leurs dépens et ont ensuite corrigé le tir. Quant à la question d'une tarification progressive, nous pouvons introduire le débat, mais ce texte n'est pas le bon vecteur.

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