Monsieur Schellenberger, je peux vous répondre sur le choix de l'appareil législatif. Comme nous ne modifions pas la Constitution, je ne vois pas en quoi nous interférons sur sa lisibilité. Nous modifions le bloc de constitutionnalité dont c'est l'utilité, ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre : votre famille politique a procédé de cette manière pour créer la Charte de l'environnement en 2005.
Comme l'a expliqué Mme Kamowski, nous devons éviter de nous heurter à l'article 72 de la Constitution sur la libre administration des collectivités. Le monopole public sur l'eau, qu'il soit géré par l'État ou par des régies locales, est clairement assumé. Rappelons que le système de régie est largement majoritaire puisqu'il concerne plus de 24 000 communes du pays et que les grands opérateurs sont présents dans les zones les plus rentables et les plus urbanisées.
Monsieur Balanant, vous vous inquiétez du gaspillage. Je tiens à vous rappeler que ce sont les entreprises les plus consommatrices d'eau qui paient le mètre cube d'eau au tarif le moins élevé. La législation actuelle organise le gaspillage car l'eau coûte très peu cher quand on en utilise beaucoup. La gratuité d'une petite portion de la consommation implique une tarification progressive pour les autres mètres cubes. Cette tarification compense largement la gratuité et répond donc à votre préoccupation.
Pourtant, la gratuité est un élément central dans l'accès à l'eau. Au prix du mètre cube d'eau, que vous avez indiqué, il faut rajouter le coût du compteur. Le droit à l'accès à l'eau a un coût fixe qui frappe principalement les petits consommateurs. Ce sont eux qui paient le mètre cube d'eau au prix moyen le plus élevé car il faut y intégrer le coût fixe. La gratuité répond à une urgence sociale, aux besoins des plus faibles d'entre nous, de ceux qui consomment le moins. La tarification progressive va donc être une incitation à faire un bon usage de l'eau et à lutter contre le mésusage, ce qui devrait vous rassurer.
Le droit à l'eau existe déjà en France, dites-vous, madame Kamowski. La loi « Brottes » n'était pas appliquée. Elle l'est de plus en plus parce que les associations, qui se mobilisent en faveur du droit à l'eau, se mettent à traîner les grands opérateurs en justice : plus de 2 500 poursuites judiciaires ont été initiées. Il faut toutefois souligner que les personnes sans domicile ou vivant dans des logements précaires restent à l'écart de l'application de ce texte et n'ont absolument aucun accès à l'eau. Je pense à la personne, aperçue ce matin, qui se lavait les cheveux à un robinet destiné au nettoyage du métro... Si cette personne avait un accès à l'eau lui garantissant la dignité, elle ne se laverait pas les cheveux sur les quais du métro. Non, l'accès à l'eau n'est toujours pas garanti dans notre pays.
S'agissant de la gratuité, plusieurs d'entre vous ont expliqué que les opérateurs – notamment les régies – pouvaient mettre en place une gratuité sur les premiers mètres cubes d'eau. En réalité, une jurisprudence de la Cour de cassation interdit ce genre de tarification sociale que certaines communes pratiquaient depuis 1930. La Cour de cassation a jugé que ce n'était pas cohérent avec la loi qui prévoit que l'eau a un coût fixe. Tous les contrats, y compris ceux qui dataient de 1930, ont été revus. La gratuité n'est plus possible. Or elle est la condition sine qua non de l'exercice du droit d'accès. C'est une nécessité absolue pour garantir ce droit fondamental.