Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 16h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, rapporteur pour observations :

Le projet de loi sur lequel j'ai instruit mon rapport vise à réformer les élections européennes en France, en vue du scrutin de 2019. C'est une élection décisive, qui interviendra quelques mois après le départ des Britanniques de l'Union européenne. La mandature 2019-2024 sera une mandature de refondation. Ce scrutin représente une échéance historique qui nous offre un certain nombre d'opportunités, et qui engage dans le même temps la responsabilité de nos familles politiques respectives, des médias et de la société civile.

Les élections européennes ont été trop longtemps considérées, à tort, comme une échéance électorale de second rang, ce qui a progressivement conduit les Français à s'en désintéresser – en témoignent les faibles taux d'abstention enregistrés depuis 2004. Mal comprises des électeurs, ces élections ont trop souvent attisé des débats strictement nationaux entre les différents partis politiques de notre pays, et ce, aux dépens d'enjeux européens pourtant cruciaux.

Notre approche de ce scrutin doit changer. Pour cela, nos familles politiques doivent saisir l'opportunité d'un retour à une circonscription nationale unique pour faire de ce scrutin un rendez-vous électoral majeur d'une part et pour européaniser ses enjeux d'autre part, en présentant des figures nationales aux compétences européennes reconnues et porteuses d'un projet européen mobilisateur. Il en va ici de notre responsabilité. Le rétablissement d'une circonscription nationale unique est une chance de donner à ce scrutin une meilleure lisibilité et de faciliter la compréhension de ses enjeux. À nous de la saisir pour confronter véritablement les différents projets européens que nous portons. Les circonscriptions régionales ont empêché jusque-là la tenue d'un véritable débat sur l'Europe. L'objectif initial, louable, de rapprocher le parlementaire européen des Français a échoué. Les circonscriptions étaient illisibles, n'avaient pas d'organisation logique. Une circonscription comme le grand Est comptait 5 régions, 18 départements et 9 millions d'habitants : il était difficile de sillonner de telles circonscriptions.

Les prochaines élections européennes engageront également la responsabilité des médias nationaux, singulièrement celle du service public audiovisuel, qui avait créé un précédent lors des élections de 2014, en choisissant de ne pas diffuser le débat qui avait opposé les candidats à la présidence de la Commission européenne. Ce précédent témoigne de la médiatisation déficiente des élections européennes dans notre pays. J'incite donc le service public audiovisuel à une meilleure couverture médiatique des élections européennes et des débats qu'elles entraînent, pour une meilleure information de l'ensemble des acteurs de la société civile. Les antennes régionales auraient également intérêt à se saisir en amont des consultations citoyennes, lancées au printemps 2018.

Justement, alors que l'Europe ne peut plus se construire à l'abri des peuples, j'estime que la réussite des consultations citoyennes initiées par le Gouvernement au printemps 2018 sera l'une des conditions de la réussite des élections européennes. La refonte du projet européen implique une exigence et une volonté démocratique plus fortes. Ces consultations citoyennes devront favoriser la pédagogie de l'Europe. Ce devoir de pédagogie nous engage en tant qu'élus, mais il engage aussi la responsabilité de l'ensemble des acteurs de la société civile européenne qui parsèment nos territoires : associations, enseignants, entrepreneurs, étudiants… La mobilisation des citoyens dans des forums décentralisés et les débats qui émailleront notre territoire et celui de tous les États membres qui voudront participer à ce vaste exercice de réflexion commune devront motiver les électeurs pour faire un choix clair en 2019.

Mais par-delà ces responsabilités, les élections européennes de 2019 doivent nous offrir de vraies opportunités politiques vis-à-vis de la future composition du Parlement européen. Comme vous le savez, à l'issue des négociations relatives au Brexit, les 73 députés britanniques du Parlement européen laisseront leurs sièges vacants. Alors que la question du devenir de ces sièges se pose, je défends la mise en oeuvre de listes transnationales au sein d'une circonscription européenne unique, à laquelle un certain nombre de sièges serait dédié.

Le projet de loi prévoit justement cette possibilité, qui offre une double opportunité. En premier lieu, c'est l'opportunité d'apporter une réponse politique au Brexit. Ensuite, c'est l'opportunité de représenter l'intérêt général européen. Le Parlement européen ne doit en effet pas être uniquement l'agrégat de 27 volontés nationales différentes, rôle que le Conseil joue déjà à certains égards, mais représenter l'opinion publique européenne, telle qu'elle se dégage de l'ensemble des électeurs par-delà les frontières nationales.

À cet égard, je me permets de saluer le large soutien aux listes transnationales enregistré hier lors du vote du rapport des députés européens Danuta Hübner et Pedro Silva Pereira en Commission des Affaires constitutionnelles (AFCO) du Parlement européen. Je me réjouis notamment que l'adhésion aux listes transnationales ait dépassé le clivage gauche-droite parmi nos représentants français au sein de la commission AFCO.

Enfin, la redistribution des sièges britanniques offrirait également l'opportunité de rééquilibrer la représentation actuelle des États membres au sein du Parlement européen, et notamment celle de la France, qui ne correspond pas à l'évolution démographique que notre pays a connue ces dernières années. À cet égard, la France peut légitimement réclamer l'obtention de sièges supplémentaires au Parlement européen. C'est un point que je défends dans mon rapport. Les députés européens membres de la commission des Affaires constitutionnelles se sont d'ailleurs prononcés hier en faveur d'une redistribution de 27 sièges dès 2019 entre les États membres, dont 5 supplémentaires pour la France. Voilà une nouvelle raison de nous réjouir de ce vote et de la dynamique positive qu'il insuffle en amont des élections européennes de 2019.

Toutes les conditions institutionnelles semblent donc réunies pour faire des élections européennes un rendez-vous électoral majeur. Il nous revient désormais de leur donner un souffle politique et de considérer ces élections sérieusement, pour reprendre de l'influence au sein du Parlement européen. Je vous remercie.

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