Intervention de Michel Cosnard

Réunion du jeudi 18 janvier 2018 à 9h35
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Michel Cosnard, président du Hcéres :

Je suis le président du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres). Ma première fonction est celle de professeur à l'École polytechnique de l'université Nice-Sofia Antipolis. Au préalable, j'ai présidé, pendant huit ans, l'Institut national de recherche en informatique et automatique (Inria), j'ai dirigé les centres Inria de Sophia-Antipolis et de Lorraine, j'ai créé le Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (LORIA). J'ai également été professeur à l'École normale supérieure de Lyon, où j'ai créé le département Informatique.

Le Hcéres est la seule autorité administrative indépendante dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. À ce titre, nous répondons devant le Parlement. C'est vous qui êtes les garants de cette indépendance et de son bon fonctionnement.

La mission du Haut Conseil est l'évaluation des universités françaises, des organismes de recherche, de l'ensemble des écoles publiques ou privées bénéficiant de fonds publics et de leurs regroupements, les COMUE (Communautés d'universités et d'établissements), universités fusionnées ou associations selon la loi de 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, l'ensemble des formations répondant au dispositif LMD, licences françaises, technologiques ou professionnelles, masters et doctorats, et l'ensemble des unités de recherche.

Au total, il y a lieu de conduire environ 10 000 évaluations tous les cinq ans, puisque l'ensemble de ces entités a contractualisé avec l'État à travers un contrat quinquennal. L'État est représenté par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi par le ministère en charge de l'agriculture pour l'enseignement supérieur agricole, le ministère de la défense pour l'École polytechnique, par exemple, le ministère de la culture pour les écoles d'architecture ou d'art. Cette généralisation de l'évaluation s'inscrit dans le cadre de « l'universitarisation » des formations professionnelles, en particulier dans le secteur de la santé.

Le Hcéres est organisé en quatre départements d'évaluation : coordinations territoriales (DECT), établissements (DEE), recherche (DER) et formations (DEF). Il s'agit de réaliser des évaluations par les pairs. Le Hcéres n'évalue pas directement, il met en place des dispositifs d'évaluation. Une évaluation est toujours conduite par un comité d'experts indépendants choisis pour la qualité de leurs compétences. Ce comité va porter un jugement sur la qualité des travaux et des organisations dans les domaines précités. Ce type d'évaluation par les pairs est classique et on le retrouve dans l'ensemble des pays.

Concernant la formation, la France va accueillir, en 2018, la Conférence ministérielle de Bologne. Notre pays a adhéré au Processus de Bologne, qui met en place le LMD. Il permet de faciliter la mobilité des étudiants en Europe, au sens très large puisque le Processus de Bologne inclut 48 pays, de Porto à Vladivostok. La Russie en est membre mais aussi l'Ukraine, le Kazakhstan, la Turquie, etc.

Le rôle des agences d'évaluation est capital dans la garantie de ce processus. Ce sont les crédits ECTS (European Credit Transfer and Accumulation System) qui permettent de valider le cursus suivi dans une autre université européenne. Pour que la confiance s'organise, que l'université de départ reconnaisse le cours suivi à l'étranger, la garantie de qualité est indispensable. Elle est apportée par les agences d'évaluation ou d'accréditation (Accreditation Agencies). Au cours des dix dernières années s'est structuré un réseau européen des agences d'évaluation (European Association for Quality Assurance in Higher Education – ENQA) qui regroupe l'ensemble des agences d'évaluation des pays du Processus de Bologne. L'université A enverra un étudiant à l'université B, à condition qu'elle soit accréditée par une agence faisant partie de ce réseau.

Le processus d'adhésion à ce réseau fait lui-même l'objet d'une évaluation. Le Hcéres est évalué par ses agences soeurs au niveau européen. En 2016, nous avons ainsi subi cette évaluation et notre adhésion a été renouvelée. Le Hcéres est inscrit au registre EQAR (European Quality Assurance Register for Higher Education). Ce registre européen des agences Qualité reconnues en Europe a été créé par les ministres européens en charge du Processus de Bologne.

Concernant les formations LMD, le Hcéres met en place des comités d'évaluation. Sur la base d'un rapport d'auto-évaluation, ce comité d'experts va porter un avis sur la qualité d'une formation et de son évolution, que ce soit sur telle licence ou tel ensemble de formations dans un domaine (médecine, droit, philosophie, archéologie, santé, etc.). Le Hcéres n'a lui-même aucun pouvoir d'inspection et de contrôle. Nous ne visitons un site qu'à son invitation. Pour les contrôles classiques, il existe un corps d'inspection ad hoc, l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR).

Le Hcéres a peu de compétences dans le domaine budgétaire ou financier. Ces questions sont du ressort de la Cour des comptes, qui audite périodiquement les établissements sous cet angle. Nous nous envoyons respectivement nos rapports.

Le Hcéres propose une évaluation de conseil qui permet la progression de la formation, de la recherche ou de l'établissement. En général, elle se termine sur les points forts, les points d'attention et les recommandations qui sont très importantes. Par courtoisie, nous préférons parler de « points d'attention » plutôt que de « points faibles ». Il est vrai que l'évaluation par les pairs est un processus symétrique. Une année, vous êtes expert évaluateur, l'année suivante, c'est vous qui allez être évalué. Même si les critiques sont effectivement formulées, une courtoisie réciproque s'impose.

La loi nous oblige à une absence de conflits d'intérêts, à des jugements éthiques et déontologiques. L'évaluation se doit d'être intègre et totalement transparente. Cette transparence se joue à deux niveaux. Afin de garantir l'équité, nous publions, chaque année, des référentiels d'évaluation. Les établissements, les formations ou les unités de recherche sont tous évalués selon les mêmes critères d'évaluation. Deuxièmement, les rapports d'évaluation sont rendus publics, dans leur intégralité pour les formations et les établissements, dans une version résumée pour les unités de recherche afin de protéger leur propriété intellectuelle, le cas échéant. Très souvent, des étudiants ou parents d'étudiants consultent notre site internet pour connaître le positionnement d'un master ou d'une licence.

Nous avons également été impliqués dans le suivi de la réforme du doctorat. Nous le serons certainement dans le suivi de la réforme de la licence en cours.

La loi de 2013 a intégré au sein du Hcéres l'Observatoire des sciences et techniques (OST). À l'origine, il constituait un Groupement d'intérêt Public (GIP) fondé par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, les universités françaises et les grands organismes de recherche. Consacré aux mesures bibliométriques, sa vocation était de recenser toutes les publications et les citations des chercheurs français dans les grandes revues internationales (Web of Science). L'OST effectue ces études statistiques chaque année. Dans les prochaines semaines, il va publier un rapport sur la position des publications de la France dans le monde sur la période 2000-2015. Je suis tout disposé à venir vous le présenter, avec Frédérique Sachwald, directrice de l'OST. Ce rapport indiquera les grandes évolutions dans le domaine des publications, la percée de la Chine, le positionnement de l'Inde, un certain affaissement du Japon, la croissance de l'Italie... et un zoom sur les mathématiques, une discipline où la France est particulièrement bien placée.

L'OST est lui-même doté d'un Conseil d'orientation scientifique (COS) chargé de piloter ses grandes orientations, notamment la définition et le suivi du programme de travail.

Lorsque j'ai été contacté par Thierry Mandon pour la création de l'OFIS, la question qui s'est posée était soit de créer une nouvelle autorité indépendante soit de trouver une autorité administrative indépendante existante capable de l'héberger. L'idée de créer une autorité indépendante supplémentaire n'était pas très opportune dans le calendrier de l'époque puisque, à l'initiative du Sénat, une loi sur les autorités administratives indépendantes était en préparation, dont l'objectif était d'en préciser les missions, le fonctionnement et, in fine, d'en réduire le nombre. On peut aussi penser que, pour l'instant, le volume d'activité ne justifiait pas la création d'une nouvelle structure.

Le Hcéres est gouverné par un collège (nous n'avons pas la personnalité morale, donc pas de conseil d'administration). C'est une autorité administrative indépendante qui emploie une centaine de personnes. L'agent comptable qui gère nos finances est celui du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, lequel est l'employeur de tous les personnels du Haut conseil. Ceci allège beaucoup notre administration. La garantie de la qualité financière et budgétaire du Hcéres est attestée par le Contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) du ministère.

Le collège du Haut conseil est composé de 30 membres, nommés par décret du Président de la République pour une durée de quatre ans. Ce collège comprend notamment un sénateur et une députée. Il représente l'ensemble des parties prenantes. Ces personnes sont nommées principalement sur proposition des universités, des organismes de recherche, des instances d'évaluation des universités et des organismes. On y trouve également deux étudiants, trois membres issus d'une instance d'évaluation européenne (britannique, belge, espagnole) et trois membres issus de l'industrie.

Au moment de la création de l'OFIS, le Hcéres avait-il une légitimité pour créer un nouveau département concernant l'intégrité scientifique ? Il est clair que la mission première du Hcéres n'est pas l'intégrité scientifique mais l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cependant, cette évaluation prend en compte les questions d'éthique et d'intégrité scientifique. D'ailleurs, sur les recommandations du premier rapport de Pierre Corvol, nous avons porté un accent particulier, il y a deux ans, sur les cas les plus médiatiques. L'intégrité scientifique dans l'enseignement supérieur et la recherche est une question capitale. C'est là que se forment les futurs cadres de la nation, en particulier les futurs chercheurs. Dès la licence, il est indispensable d'exposer ce sujet aux étudiants d'une manière positive, c'est-à-dire déjà en leur faisant adopter un comportement intellectuellement honnête vis-à-vis de leurs propres études.

La question du plagiat dans les études de licence ou master est très importante. En tant que professeur d'informatique, j'ai participé au développement du web. Avec le numérique, le « copier-coller » a un coût nul. Internet donne accès à des masses considérables de données. On connaît le sort réservé à la propriété intellectuelle ou industrielle dans la musique ou le cinéma. Pour des jeunes qui ont toujours connu Internet, la notion de propriété est un peu différente de la nôtre. Quand j'étais étudiant, il fallait photocopier le livre ! Cette éducation pourrait être abordée dans une culture du numérique dès les premières années à l'école.

Dans les sciences humaines et sociales en particulier, l'utilisation des travaux d'autrui devient centrale dans les études, jusqu'au doctorat. Nous avons inclus l'intégrité scientifique comme un critère d'évaluation pour savoir si, dans le cadre d'une formation, licence et maîtrise, ont été mis en place des dispositifs de formation – un enseignement à l'intégrité scientifique – et des dispositifs de contrôle – comment est contrôlé le comportement intègre des étudiants ? Ces critères s'appliquent aussi dans le cadre de l'évaluation des laboratoires de recherche, en particulier s'agissant du lien entre les doctorants et leurs encadrants, relation qui peut parfois conduire à des dérives. Nous plaçons ce critère au même niveau que le respect de la parité dans les laboratoires.

Pour toutes ces raisons, l'intégrité scientifique nous paraît relever de l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche. En juin 2016, le collège du Hcéres a ainsi voté à l'unanimité en faveur de la création d'un nouveau département.

La question de l'indépendance est complexe. En tant qu'autorité administrative indépendante, le Hcéres essaie de la garantir vis-à-vis des organismes évalués, des tutelles et de la société en général. Tout expert du Hcéres doit faire lui-même une déclaration d'intérêts lorsqu'il fait une évaluation. Parfois, nous récusons des experts pour des conflits d'intérêts. Tous les directeurs du Hcéres et les membres du Haut conseil font une déclaration de patrimoine à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il y aura également un contrôle au terme des quatre années de mandat.

Quelle indépendance l'OFIS a-t-il vis-à-vis du Hcéres ? Pour superviser l'intégrité scientifique dans les critères d'évaluation, le collège du Hcéres a voté à l'unanimité en faveur de la création d'un Conseil à l'intégrité scientifique, présidé par Olivier Le Gall. Son rôle est de m'alerter si une quelconque dérive pouvait avoir lieu en ce qui concerne l'indépendance de l'OFIS vis-à-vis du Haut conseil.

Le Hcéres dispose d'un budget annuel de l'ordre de 18 millions d'euros, qui permet de conduire environ 2 000 missions d'évaluation par an. Cette évaluation est gratuite pour les établissements et les laboratoires de recherche. Les scientifiques du Haut conseil sont tous des professeurs, chercheurs ou maîtres de conférence, en activité ou émérites, à temps partiel. Le Hcéres dispose aussi d'une centaine d'employés, administratifs et techniciens, chargés de la logistique ou de l'informatique.

Le fonctionnement de l'OFIS s'inscrit dans le cadre de ce budget. L'OFIS s'appuiera sur toute la structure du Hcéres, ses services juridiques, de communication, informatique, etc. L'OFIS est une structure légère qui comptera, à terme, environ cinq personnes. Dans un premier temps, nous envisageons de recruter un directeur du département de l'OFIS. Ce professeur ou ce directeur de recherche à temps partiel s'appuiera sur un ou deux conseillers scientifiques et deux chargés de projet pour la logistique et l'organisation.

En conclusion, la création du département de l'OFIS a été bien accueillie par le Hcéres. Les départements d'évaluation sont très intéressés par le support de l'OFIS sur cette question de la prise en compte de l'intégrité scientifique dans l'évaluation.

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