Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités, cet après-midi, à voter un texte qui se veut consensuel dans ses objectifs. Il porte, en effet, l'ambition d'améliorer les relations de nos concitoyens avec l'administration, de favoriser le dialogue et de faire en sorte que l'administration conseille et accompagne davantage qu'elle ne sanctionne.
Nous ne pouvons évidemment qu'être favorables à ces orientations. Qui pourrait s'opposer à la reconnaissance d'un droit à l'erreur ? Nous avons tous commis des erreurs ou des étourderies dans nos déclarations. Nous avons tous été confrontés, un jour ou l'autre, à la difficulté de remplir des formulaires incompréhensibles ou à l'exigence de fournir des pièces justificatives remisées de longue date au fond de cartons poussiéreux.
Cependant, remédier à ces difficultés bien réelles du quotidien ne nécessitait peut-être pas l'écriture d'un texte ainsi rédigé. Si vous avez souhaité passer par la loi, c'est que l'ambition de votre texte est en réalité beaucoup plus large. Il s'agit moins de faciliter la vie des Français que de modifier radicalement le cadre de l'action publique, au détriment des pouvoirs de contrôle et de sanction qui garantissent aujourd'hui le respect de la loi.
Vous cherchez, dans ce texte, par petites touches et sous couvert d'expérimentations diverses, à dévaluer la valeur normative de la loi et à permettre à l'administration de transiger, au cas par cas, sur l'application de règles qui s'imposent à tous. C'est une évolution dangereuse, et j'en prendrai plusieurs exemples.
Vous avez, tout d'abord, érigé le droit à l'erreur en principe général, valant aussi bien pour le titulaire du RSA – revenu de solidarité active – que pour le riche particulier, qui aura, lui, la possibilité de faire appel aux conseils d'avocats, et aussi bien pour l'artisan que pour la grande entreprise de plusieurs milliers de salariés. Pourtant, le Conseil économique, social et environnemental, ainsi que le Conseil d'État, vous ont alerté sur certains risques.
Le droit à l'erreur et le droit au contrôle pourront, en effet, servir d'alibi à des comportements frauduleux, à des négligences délibérées. Pour prendre des sanctions, l'administration devra au préalable prouver la mauvaise foi du contrevenant, c'est-à-dire mener une enquête et réunir les éléments à charge. Or, nous le savons, l'administration, soumise depuis des années à de sévères politiques d'austérité, n'a plus les moyens matériels et humains de faire ce travail. Elle les aura d'autant moins, demain, que vous lui confiez la tâche d'exercer de nouvelles missions de conseil et d'accompagnement sans aucune augmentation des effectifs, ni formation des agents.
Vous envoyez donc aux entreprises un signal clair : elles pourront plus facilement transgresser, sans risque de sanction, certaines des règles qui s'imposent à elles.
Dans ce texte, les mesures prises en matière du droit du travail sont révélatrices de votre état d'esprit. Vous proposez d'alléger les sanctions reconnues par les employeurs en cas de manquements graves ayant des incidences sur la santé des salariés – non-respect des durées maximales de travail européennes, non-respect des temps de repos.